2019 : Sept semaines de négociations
Sept semaines qui eût été empensable sous la décennie précédente. Arrivés aux premières et deuxième places des élections régionales, la N-VA (24%) et le Belang (18%) négocient tout l’été 2019 la formation du gouvernement flamand. Peu importe au fond les arrière-pensées de Bart De Wever, le simple fait d’associer l’extrême droite à des pourparlers aussi officiels tient de l’inouï. Les activistes de la cause flamande, eux, exultent. Certains d’entre eux, qui ont passé une vie de militant dans la marginalité et l’opprobre, entrevoient enfin l’occasion de faire payer leur arrogance aux trado’s, comme on dit dans les cercles nationalistes. Dans une tribune publiée par Knack en juin 2019, Chris Janssens, l’un des trois négociateurs mandatés par le VB, en appelle au principe unitaire du samen uit, samen thuis (ensemble dehors, ensemble dedans) : « Se souvenant de l’idée de Forza Flandria, la N-VA et le Vlaams Belang devraient maintenant adresser, épaule contre épaule, un ultimatum à l’Open VLD et au CD&V. »
Bien sûr, ces sept semaines de négociations n’étaient qu’un très long tour préliminaire. En bout de course, la N-VA finira bien par s’allier aux chrétiens-démocrates et aux libéraux, laissant croupir le Belang dans l’opposition pour une législature supplémentaire. Mais une barrière mentale a cédé.
Le cordon sanitaire est sous pression comme jamais il ne l’a été depuis son instauration en 1989. En attestent la multiplication des cas tangents à l’échelle locale. Bart Laeremans est l’un d’eux. Lui aussi a « le pedigree », selon l’ex-pression consacrée. Son grand-père fut sénateur Volksunie avant de migrer au Vlaams Blok. Son père a été vice-président de la Volksunie ; son frère, député Vlaams Belang. Bart Laeremans lui-même a été parlementaire VB de 1995 à 2014. En juin 2022, à la faveur d’un changement de majorité, il devient bourgmestre de Grimbergen, dans une coalition avec la N-VA et le CD&V. Un mini-Forza Flandria aux portes de Bruxelles ? « C’est le premier bourgmestre d’extrême droite de ce pays depuis 1945 », s’insurge l’opposition. Bart Laeremans rétorque qu’il n’est plus membre du Belang, que sa liste est purement locale. « Je reste partisan d’une Flandre indépendante. Mais je me suis distancié de mon ancien parti parce que je ne voulais plus être associé aux provocations à répétition de certains. Je serai le bourgmestre de tous les habitants de Grimbergen sans discrimi-nation. Je rejette le racisme. »
« L’exemple de Grimbergen pourrait en inspirer d’autres », avertit Jean-Marie Dedecker. Dans de nombreuses localités du pourtour anversois, à Boom, à Wilrijk, à Lier… les bourgmestres N-VA seraient très tentés de présenter en 2024 des listes locales abritant en leur sein des Belangers.
On voit une sorte de panique chez De Wever… Ses expressions étranges trahissent le fait qu’il n’est pas immunisé contre la tentation de l’aventure.