Comment est né Wilfried
Janvier 2016, Louvain-la-Neuve. Quentin Jardon et François Brabant se croisent sans se connaître au sein de l’École de Journalisme de l’université. Le premier est assistant à mi-temps à l’UCL et rédacteur en chef de la revue 24h01. Le second est alors journaliste à La Libre et professeur invité à l’UCL.
De passage dans le bureau de Quentin pour lui déposer des notes, François remarque les étagères garnies de magazines comme 24h01, Médor, Pédale, So Foot, Society… S’entame une discussion sur ces dernières innovations en matière de presse magazine. François se confie alors sur une idée qui l’habite depuis un moment : inventer le So Foot ou le Society de la politique belge. Amateurs de sport, en particulier de cyclisme, Quentin et lui sont tous deux impressionnés par ce que les magazines du groupe français So Press ont réussi à produire, mariant les interviews grand format et les récits nourris de références historiques, le tout dans un style unique, à la fois drôle et érudit.
C’est ce soir-là, dans un bureau aux murs de briques peintes, que jaillit la première étincelle.
Le lendemain matin. Sur Messenger. Quentin écrit à François : « Ton idée de « Society hors-série politique à la sauce belge » me trotte pas mal dans la tête, faudra qu’on en rediscute prochaine fois que tu te pointes à Louvain, mais ça me semble vachement faisable. Tu serais le rédac chef, et hop ! c’est parti. Bref à cogiter. ? » (sic)
On convient de se voir pour en parler. On boit un café. Puis deux. On griffonne des notes. On s’essaie au business model et au plan financier. L’idée initiale est celle d’un magazine qui ne paraîtrait qu’une fois par an, une sorte d’almanach de l’année politique belge, proposant des portraits, des interviews, des grands reportages… Le tout porté par une écriture soignée. Quelque chose qu’on ne lit pas ailleurs. Puis vient une autre idée, qui sera finalement abandonnée : publier trois magazines par an, le premier dédié à la politique (Wilfried), le deuxième au sport (Eddy) et le troisième à la culture (Rosetta). C’est Wilfried qui s’impose, avec l’objectif d’en faire finalement un trimestriel. Eddy et Rosetta restent dans les cartons. Pour plus tard, sait-on jamais.
Mai 2016. A Bruxelles. Alors que François et Quentin tiennent une de leurs réunions informelles en terrasse, le hasard fait passer Camille van Vyve à côté de la table où ils sont assis. Cette ancienne consœur (elle a été rédactrice en chef adjointe de Trends-Tendances), désormais reconvertie dans le marketing, est intriguée de les voir ensemble. « Mais qu’est-ce que vous mijotez là ? » Le lendemain, un mail tombe : « Promettez-moi de m’inviter à votre prochain brainstorming. » Les deux fondateurs sont désormais trois.
Octobre 2016. Au bar Le Tavernier, près du cimetière d’Ixelles. Ce soir se tient officiellement la toute première réunion Wilfried. S’y trouvent Quentin, Camille et François, et une poignée d’autres esprits enthousiastes : Alice Dive, Thomas Bricmont, David Bartholomé, Catherine Joie… Une autre réunion autour de ce projet embryonnaire rassemble Guillermo Guiz et Myriam Leroy, qui participent aux premiers pas de Wilfried.
Décembre 2016. Un dimanche après-midi autour d’un chocolat chaud à Namur. Quentin et François rencontrent pour la première fois François Verbeeren, dont ils ont reçu les coordonnées via un ancien confrère. Jeune entrepreneur, juriste passé par la Vlerick business school, « FV » possède toutes les skills qu’ils n’ont pas : le goût des chiffres, la rapidité d’analyse, le ton assertif, la connaissance du monde économique… Rompu à l’exercice entrepreneurial, François Verbeeren va bientôt jouer pour Wilfried un rôle de conseiller en business, gestion et finances. Il est, avec Quentin, François et Camille, le quatrième cofondateur de la coopérative Wilfried.
Février 2017, dans un espace de coworking de Saint-Gilles. Encore une réunion, plus formelle cette fois. Elle rassemble près de 25 personnes, à la fois photographes et journalistes, autour du noyau dur des quatre cofondateurs. On y note déjà une présence flamande avec Jelle Vermeersch (journaliste, photographe et cofondateur du magazine Bahamontes) et Pascal Verbeken (grand reporter et écrivain, figure du journalisme narratif néerlandophone).
Mars 2017. L’équipe de Wilfried lance un crowdfunding sur la plateforme Ulule pour financer la création du magazine. Le projet réussit son premier test face au public en atteignant facilement l’objectif de 30.000 euros. Plus de 500 lecteurs et lectrices achètent par avance un exemplaire du numéro 1 ou un abonnement d’un an. Pour 100 euros, on peut même s’abonner à vie.
15 juin 2017. Le soleil est éclatant, il fait chaud. Le tout premier Wilfried apparaît dans les librairies. François De Brigode parle de nous au JT. Des centaines de personnes se retrouvent chez Madame Moustache, un club de la place Sainte-Catherine à Bruxelles, pour une soirée de baptême dont certains se souviennent encore.
Cette fois, ce n’est plus un projet, une idée, mais une petite entreprise de presse à l’existence bien réelle. Le début d’une longue aventure.
Quelques dates clés
Octobre 2017. Parution du n°2, avec un long portrait de Jean-Michel Javaux par François Brabant qui sera couronné par le prix Belfius de presse écrite. Dès sa première année, l’originalité de Wilfried est reconnue par la profession.
Mars 2018. Au sommaire du n°3 : un long entretien avec Bart De Wever sur sa passion pour la Rome antique. L’interview fait grand bruit, Paul Magnette en parle sur le plateau de Christophe Deborsu et plusieurs médias flamands y consacrent leur Une.
Juin 2019. Ouverture de la coopérative et lancement d’un appel public à l’épargne. L’entrée au capital de quelque 340 citoyens et citoyennes, ainsi que de la Région bruxelloise (via le mécanisme Coop Us de soutien aux coopératives), marque un nouveau pas dans la professionnalisation de la petite entreprise Wilfried.
Janvier 2020. Dans notre n°10, à l’occasion d’un entretien croisé avec le président du parti Défi François De Smet, l’informateur royal Georges-Louis Bouchez se déclare, « si ça ne tenait qu’à lui », en faveur d’un retour à la Belgique unitaire. Les propos, repris en boucle par tous les médias et longuement commentés par les experts, provoquent un petit séisme politique et engagent un débat plus profond sur le bilan des réformes de l’Etat.
Mars 2020. Première assemblée générale de la coopérative à Louvain-la-Neuve. Une soixantaine de personnes font le déplacement. Les journalistes Sophie Mignon et Pascal Verbeken expliquent les réalités de leur métier, et pourquoi ils croient toujours dans la presse écrite… mais renouvelée et innovante. Le philosophe Philippe Van Parijs et le chanteur David Mendez sont aussi présents pour marquer leur attachement au projet éditorial de Wilfried.
Juin 2020. Wilfried publie une enquête sur Frank Robben, « l’omniscience de l’Etat derrière le traçage du Covid-19 », qui fait grand bruit. La RTBF ouvre son JT avec ce sujet. Quelques jours plus tard, Frank Robben apprend qu’il sera auditionné par le parlement pour conflit d’intérêts présumé.
Septembre 2020. Wilfried a un petit frère. Il s’appelle Eddy et s’introduit dans toutes les librairies de Belgique. Même ton, même format que son prédécesseur, mais un contenu orienté sur le sport – aussi bien féminin que masculin. En parallèle, notre nouveau site web est mis en ligne.
Octobre 2020. Tournant majeur dans l’histoire de notre coopérative : le premier numéro de Wilfried en néerlandais voit le jour, simultanément à la parution du numéro 13 en français. Piloté par Pascal Verbeken, le pape du journalisme narratif en Flandre, « de raconteur van België » propose un contenu pour moitié commun avec son frère francophone. « Het luxueus vormgegeven kwartaalblad Wilfried, dat slow journalism hoog in het vaandel voert en de raconteur of verteller van België wil zijn, trekt na drie jaar de taalgrens over », écrit à ce propos l’hebdomadaire Knack.