La pause carrière d’Eddy

Au bout de trois numéros déjà, c’est la fringale, la fin du souffle. Votre magazine Eddy  cesse de paraître, faute de moyens pour assurer la poursuite des activités de notre petite rédaction. Il n’y aura pas de numéro 4 au printemps. Il n’y aura rien sur la table de travail de nos journalistes, photographes, graphistes, illustratrices, et le cahier de charges de notre imprimeur liégeois présentera une case vide.

Personne n’a jamais dit qu’il était facile de lancer un magazine papier au XXIe siècle et personne ne nous a jamais obligés à le faire. Mais en ce début d’année 2022, nous avons le cœur gros. Le paysage médiatique compte une couleur en moins. Nous avons couru avec le vent de face, à cause de la hausse vertigineuse du coût du papier sur le marché mondial, à cause de la fermeture d’un nombre croissant de kiosques et librairies, à cause d’une pandémie qui a tuméfié le calendrier sportif, à cause d’une concurrence protéiforme, féroce, à cause de notre manque de watts pour gagner en notoriété et pour exister sur le digital. Nous nous sommes lancés dans la course sans collation en poche, avec bien peu d’argent et bien peu de forces vives, juste électrisés par le désir de créer, de voir advenir. Nus et culottés. Fougueux comme un Jérémy Doku lancé à l’aveugle dans une chevauchée latérale face à l’Italie. Entêtés comme un Remco Evenepoel sur les routes de Louvain. Mais nous avons aussi couru avec le vent dans le dos, et toutes ces mains qui nous ont poussés, ce sont les vôtres, amis lecteurs, amies lectrices. Nous n’avons jamais douté de cet objet d’un genre nouveau parce que vous n’avez jamais cessé de nous encourager, de nous témoigner le plaisir que vous aviez à nous lire. C’est d’abord ce que nous retiendrons : le plaisir du consommateur (un plaisir qui nourrit, non qui aliène) et celui du producteur, et il faut le dire, quand on s’éclate en bossant, car le biotope professionnel n’offre pas souvent cette chance.

© Virginie Lefour

Ceci n’est peut-être qu’une interruption. Les magazines sont des corps vivants qui naissent, vivent et meurent ; il est permis d’espérer que certains ressuscitent. Eddy reviendra un jour, sans doute sous une autre forme. En attendant, façon de prolonger son existence, vous pouvez toujours acheter nos anciens numéros. Ils contiennent des histoires que nous avons voulues intemporelles, des récits travaillés avec la patience d’un artisan par nos journalistes, photographes et graphistes, des documents qui « malaxent le matériau humain derrière les grilles de résultats sportifs », comme nous l’écrivions dans l’édito du premier numéro. Nous espérons que ces 340 pages éditées fiévreusement entre septembre 2020 et octobre 2021 laisseront une trace, quelque part.

Merci infiniment pour votre curiosité et votre fidélité.

Quentin Jardon, rédacteur en chef

N°3
Le clan des bannis
N°2
Road-trip chez les diables rouges
N°1
Gloire & désillusions

Éditions précédentes
N°25
Israël-Palestine, aux sources d'une particularité belge
Hors-série 2023
Paroles de Belges
N°24
Au pays des dimanches noirs
Newsletter

Le magazine qui raconte la Belgique par emails