2005 : La dernière tentative d’Hugo Schlitz
Personnage complexe. Hugo Schlitz était un authentique séparatiste, favorable par principe à l’indépendance de la Flandre. Mais c’était aussi un homme de dialogue, qui soutiendra plusieurs accords avec les partis francophones : le pacte d’Egmont en 1979, à la grande fureur de Lode Claes et de Karel Dillen qui s’en iront fonder le Vlaams Blok ; la troisième réforme de l’État en 1988, à la grande fureur de Jan Jambon, qui quittera alors la Volksunie et ne reviendra en politique qu’après la création de la N-VA ; les accords du Lambermont en 2001, à la grande fureur de Bart De Wever et de quelques radicaux qui mèneront à l’implosion de la Volksunie.
Complexe… Hugo Schiltz, leader historique de la Volksunie, fustigeait le caractère « totali-taire » du nationalisme façon N-VA. Et ce même Hugo Schiltz, dans les dernières années de sa vie, reprit contact avec un Gerolf Annemans pour-tant bien plus radical que De Wever et Jambon en vue de… De quoi au juste ? Eric Van de Casteele livre ses hypothèses : « Schiltz lui-même n’a jamais été partisan de Forza Flandria, mais en 2003, 2004, 2005, il enrageait devant le refus des francophones d’engager une nouvelle réforme de l’État. De là partait son analyse. Il voyait que, côté néerlandophone, aucune force n’était aussi puissante que le PS, et donc en mesure de forcer le PS à négocier une réforme de l’État. Schiltz constatait que 25 % des Flamands votaient Vlaams Belang et qu’on ne pouvait rien en faire. C’étaient des voix perdues pour mettre la pression sur le PS. Ça le frustrait énormément, et à partir de cette frustration, il cherchait un moyen d’agir. »
L’avocat d’affaires Paul Doevenspeck va jouer les go-between. Ancien associé d’Hugo Schiltz au sein de leur cabinet anversois, il s’est rapproché du Vlaams Belang. Il propose à Schiltz d’inviter Gerolf Annemans dans sa villa, pour un repas à trois. « On a parlé du cordon sanitaire, se souvient Annemans. Hugo Schiltz était un intellectuel. Il refusait l’idée d’affaiblir la Flandre avec ce cordon. Il cherchait un moyen d’en finir mais ne savait pas comment s’y prendre. » Quand la rencontre s’ébruitera, bien plus tard, d’aucuns s’interroge-ront sur l’interprétation à lui donner. Annemans lui-même en relativise la portée : « Schiltz ne représentait que lui. Il n’était même plus élu. Ce n’étaient pas des négociations structurelles. Moi, j’avais tout de même prévenu le bureau de parti et j’étais mandaté pour mener cette discussion, mais ça n’allait pas plus loin. »
« Ce n’était qu’une conversation libre, sans engagement, insiste Eric Van de Casteele. Hugo Schiltz voulait peut-être explorer une piste, vérifier si certains modérés au Belang étaient dispo-sés à bouger, voir si un certain poids politique pouvait être utilisable. Mais c’était une illusion, et Schiltz en était conscient. Tout comme aujourd’hui certains se demandent si Tom Van Grieken ou Barbara Pas pourraient rompre avec Filip Dewinter ou Dries Van Langenhove, les figures les plus extrêmes du parti. Mais cette rupture n’arrivera pas ! Cela me semble inenvisageable, surtout dans un système électoral proportionnel. »