Que sont-ils devenus ?

N°29 / Hiver 2024
Journaliste Gaëtan Spinhayer
Journaliste Philomène Raxhon

2024, « l’année de toutes les élections », en a avalé certains tout crus. En a recraché d’autres en bouillie. En a couronné une poignée. Pour d’autres encore, scrutin ou non, c’est simplement le temps qui a fait son œuvre. Ils et elles avaient fait leur apparition dans un numéro antérieur de « Wilfried », à quoi ressemble leur vie aujourd’hui ?

Marie Arena

No signal

« Conscience tranquille, pourquoi aurait-elle besoin d’un avocat ? » Entre le moment où nous alignions ces mots en 2022 et la fin de son mandat en 2024, la désormais ancienne députée européenne en a quand même pris deux. Mais en dépit de sa proximité documentée avec les criminels présumés du Qatargate, du séjour non déclaré payé par le Qatar, des suspicions explicites de la Sûreté de l’État, des six perquisitions menées chez elle et dans son entourage, des 280 000 euros trouvés chez son fils et de ses longues auditions en tant que suspecte, la justice ne reproche rien à Marie Arena. Jusqu’à la fin de son mandat, la femme de pouvoir socialiste (elle a été ministre fédérale et ministre-présidente de la Communauté française avant ses dix années au parlement européen) a conservé la confiance des instances partisanes. Au pupitre de l’hémicycle à étoiles jaunes, elle a défendu, en vrac : l’interdiction des pesticides, les femmes iraniennes, le sort de Julian Assange et celui des demandeurs d’asile, les abeilles, l’aide humanitaire et « la fin du génocide à Gaza »… Elle a tenu des réunions avec des ONG, avec Amazon, avec une entreprise de biotech… Jusqu’à sa soudaine évaporation. « Tout ce que je sais, c’est qu’elle avait bien l’intention de ne pas rempiler avant qu’éclate le Qatargate. Elle pensait à un job dans les droits humains. Mais je n’ai plus de nouvelles », indique un ancien collègue. «Franchement je n’en sais rien, peut-être en Sicile (d’où venaient ses parents) pendant que l’enquête continue», hasarde un autre. Silence du côté du PS et des S&D, le groupe au sein duquel siégeait Arena. Seul commentaire de la Montoise : « Merci mais je ne suis pas disponible.» Pourvu qu’elle nous rapporte tout de même de l’huile d’olive. G.S.

Jean-Marc Nollet

Oh, Rajae… Y a plus moyen, Rajae

Lundi 10 juin, tournée des matinales radio pour Jean-Marc Nollet. 7 h 25 au micro de la RTBF : « Ben oui, inévitablement, du moins en tant que responsable. » C’est officiel : après plus de vingt-cinq ans au parti (dont dix en fonctions ministérielles), le J.-M. en a fini avec la politique. Au soir du triple scrutin estival, dans les biotopes parlementaires, c’est peu dire qu’Ecolo rejoignait la liste des espèces en déclin. De tous les gouvernements après 2019, les verts se retrouvent cette fois hors du coup à chaque niveau. Y compris quatre mois plus tard à l’échelon communal, contraints de laisser filer plusieurs maïorats historiques. Pour Nollet, le naufrage a carrément eu valeur d’extinction. En récoltant presque dix-sept fois moins de voix que Paul Magnette, comme lui en lice à la Chambre dans le Hainaut, le voilà privé de parlement. Et dire que lors de notre entretien cinq ans plus tôt (en couverture duquel il jouait au pic vert, la tête contre un tronc d’arbre), on spéculait sur son éventuel avenir de « premier Premier ministre vert du pays ». Et dire aussi qu’en 2022, le Mouscronnois devenu Carolo partait en tournée de conférences en publiant un livre baptisé Conquêtes, dans le but de cheminer vers « un équilibre écologique ». En 2024, ses harangues ont plutôt pris des allures de braderie : « pas cher mon siège à la Chambre, pas cher mon mandat de coprésident, approchez messieurs-dames ». Concernant une reconversion, « y a R » à signaler à ce stade. « Depuis la fin de mon mandat, je m’astreins à un silence médiatique complet », indique l’intéressé. Pour celui qui dispose d’un diplôme d’enseignant n’ayant « jamais servi », un plongeon dans le climat très chaud des écoles en pénurie de profs n’est pas à exclure. G.S.

Sofie Merckx

Gauche, unis-toi

Qu’il paraissait loin, ce temps où on alignait « PTB » et « future majorité avec le PS » dans les mêmes questions à suspense. « Alors, Madame Merckx, ce sera pour cette fois ? », lançait-on en avril dernier à la tête de liste hennuyère à la Chambre. « Avec des points de rupture pas si radicaux qu’on le dit, nous sommes prêts », nous rétorquait celle qui, comme son patronyme le laisse penser, et bien qu’elle n’ait aucun lien avec Eddy, appartient à une famille férue de cyclisme. Puis il y eut ce fameux « à droiteee ! » dans l’isoloir qui tempéra les ardeurs et qui vite évacua l’éventualité d’une coalition avec les communistes. Même s’il a progressé en Flandre et qu’il est passé de 12 à 15 sièges au fédéral, le PTB s’est tassé au sud. Et c’est bien dans les rangs de l’opposition que la médecin de Marcinelle, à nouveau cheffe de groupe PTB/PVDA avec plus de 18 000 voix de préférence (septième score de la circonscription), défiera la coalition dont elle appréhende déjà les manœuvres. Avant même le moindre accord officiel, elle s’alarme : « On voit bien que ce futur gouvernement nous met au-devant d’années très dures, via une série d’attaques envers le travail de nuit, le secteur non marchand… Il va falloir descendre dans la rue pour combattre leurs plans et arracher de nouvelles victoires. Sinon, on va se faire manger tout cru. » Avec sa position de no 2 du parti, son boulot à Médecine pour le peuple (l’organisation fondée par son père qui offre des consultations gratuites pour tous) reste en pause. «Je garde quand même contact avec les patients et les collègues. Depuis l’annonce du non-retour de la pension à 65 ans, on craint un sérieux afflux de personnes qui vont craquer au travail.» Quatre lunes et quelques chutes de Wout van Aert plus tard, le refrain a repris de plus belle : le PTB se hissera-t-il dans une majorité… communale ? Mons a ouvert la voie, une bonne chose selon Sofie Merckx : «C’est surtout au PS de choisir entre des vraies unions à gauche ou des dilutions de valeurs avec le MR. Nous, à Charleroi, on a montré que le PS et le PTB pouvaient se renforcer en même temps (respectivement + 2,4 points et + 1,8), c’est très encourageant. » L’avantage des diagnostics en politique, c’est qu’on peut toujours les tourner en sa faveur. G.S.

Vincent Scourneau

« Wilfried » blacklisté en meeting à BL’A

Un cortège intergénérationnel de gens vêtus « chic décontract’ » et parfumés jusqu’à l’os remplit doucement la salle Acte 3 de Braine-l’Alleud. Du parquet foncé, des rideaux de feutre rouge, des canapés capitonnés, un bar lounge. Le DJ fait vrombir la nouvelle version ultra tendance de Nightcall (agrémentée de la voix d’Angèle) pour rythmer l’apparition de celui qui célèbre ce soir-là son cinquième maïorat consécutif. «On a écrasé le cartel Ensemble, et c’était une victoire… euh… une victoire qu’on a eue avec panache. Tellement éclatante que les trois premiers candidats de notre liste ont à eux seuls recueilli plus de voix que toute la liste adverse » (ce qui, après vérification, se révèle inexact, 9 399 n’étant pas supérieur à 17 947). Au milieu de ses colistiers qui font office d’arrière-scène, Vincent Scourneau plastronne. Le député-bourgmestre libéral a invité tout « BL’A » à son meeting post-campagne pour parler de lui, de sa victoire matérialisée par 22 sièges sur 35 contre un bloc de résistance tenu en échec, de sa super équipe et des losers du cartel adverse. Une logorrhée de remerciements et de blagounettes devant un Powerpoint, où le seul élément de programme politique — une nouvelle baisse d’impôts imminente — apparaîtra après 32 minutes. « Geoffroy Matagne (échevin MR), on lui a donné l’Agriculture. C’est parce qu’il a une grande propriété, vous voyez. On lui a aussi donné les Cultes, tellement il a de choses à se faire pardonner.» Quatre dames boivent leur vin blanc en même temps que les paroles de leur bourgmestre, conquises comme le reste de la salle. « Il a bien parlé, hein ! Avec un peu d’humour, comme on l’aime. C’est toujours aussi bien. » Vite, accoster Scourneau qui descend de scène. «Qui ça ? Wilfried ? Ha non c’est fini. Votre journaliste m’a truandé dans son article (la traversée du Béwé, n° 28) et j’ai trouvé ça dégoûtant. Aucune déontologie le gars. Alors Wilfried, je ne réponds plus. D’ailleurs, un conseil, partez de chez eux.» Reprendre un verre à la santé du « Vince », voilà qui nous a paru beaucoup plus déontologique. G.S.

Marij Preneel

La submersion de l’île progressiste à Anvers

C’était vers les docks anversois, dans une Clio cabossée, quand on voulait humer les ambiances — et rien que les ambiances — de cocaïne, de fric, de règlements de comptes et de bandes organisées dans le dédale asphalté du deuxième plus grand port d’Europe. Alors bourgmestre du district de Borgerhout (unité administrative propre à Anvers), Marij Preneel nous avait garanti que si elle le décidait, il lui fallait moins d’une heure pour se fournir en poudre blanche. «C’est toujours le cas, affirme l’écologiste. La drogue et ses crimes de rue sont devenus des éléments de décor admis comme tels. On n’en a même pas parlé pendant les campagnes. Et avec De Wever qui revient, on assistera certainement à son “War on drugs” qui se focalise sur les gros moyens de police sans aller au fondement : prévenir et intégrer la jeunesse.» Début 2024, Marij Preneel a passé le gouvernail de Borgerhout à Mariam El Osri, pour changer de rôle et laisser sa successeure préparer le scrutin. Le programme Preneel automne-hiver 2024 : se remettre à trier les archives de l’État (son premier métier), devenir conseillère à la ville d’Anvers (pour emmerder Bart) et négocier le futur collège de Borgerhout. «On ne repartira sûrement pas pour la même coalition Groen-Vooruit-PVDA dans le district. Ces derniers ont manqué de loyauté en campagne, et ça fait quelques années que notre “île progressiste dans l’océan nationaliste” tient plus du mythe que de la réelle entente. » C’était donc imminent, cette menace de montée des eaux qui engloutirait des terres flamandes. G.S.

Jean-Marie Dedecker

La perle nacrée du littoral belge

« Je ne crains personne, pas même le Vlaams Belang. » L’annonce d’une possible rupture du cordon sanitaire à l’issue du scrutin communal de Middelkerke par son superpopulaire burgemeester avait fait frémir tous les journaux. Même si au fond, l’enfant terrible de la droite flamande ne prononçait là rien de bien nouveau : « Je suis depuis toujours 100 % contre ce cordon. » Alors, ce fameux soir du 13 octobre, quand Dedecker perd la majorité absolue que sa liste avait arrachée en 2018 et qu’il doit combler un malheureux siège avec un nouveau partenaire, on se dit que c’est possible. Et il le dit aussi. À sa disposition se trouvent un élu N-VA, un Vlaams Belang, et onze d’un cartel Open VLD-Groen-CD&V, cartel écarté dès lors que celui-ci exige trois échevins. N-VA ou VB ? «Tom Van Grieken (président du VB) m’a appelé, il est venu à la maison. Mais je ne voulais pas condamner Middelkerke à passer de “perle” à “paria” de la Côte belge. Car c’est bien cela qui arrive dès que vous vous alliez avec le Belang : du boycott de toutes parts, et vous pouvez vous brosser pour recevoir quoi que ce soit des organes de l’administration. » L’invité s’appelle Marc Descheemaecker (de la N-VA, donc), ancien patron de la SNCB, une vieille connaissance et une « relation cordiale bien ancrée malgré des coups bas en campagne » pour Dedecker. Il est piquant de noter que Jean-Marie a obtenu le 9 juin dernier un siège à la Chambre sous l’étiquette… N-VA. Une casquette, ça se coiffe ou ça s’ôte en fonction du soleil. G.S.

Ludivine de Magnanville

Cuisante « Défite »

Vouloir du challenge, choisir Défi. La manœuvre semblait tenir la route sur le plan sémantique. C’était début 2024, quand ce qu’elle avait montré comme présidente de la fédération Horeca lui avait valu les avances de quatre partis différents. Et qu’entre celles du MR, d’Ecolo, des Engagés et de Défi, elle avait retenu les amarantes. Alors éclaboussé par la chamaillerie entre ses ténors François De Smet et Olivier Maingain par médias interposés, le parti « de la nuance » n’apparaissait pas comme le plus tranquille au moment où nous rencontrions Ludivine de Magnanville, au printemps dernier, dans son restaurant de Saint-Gilles. « Tout le monde a d’ailleurs peur que je m’enfuie. Mais non, certainement pas. Je ne suis pas un agneau », avait-elle calibré à ce sujet au milieu de ses tapisseries à fleurs. Il en aurait fallu davantage pour faire reculer la nouvelle recrue. Que le parti se casse la gueule aux élections, par exemple. Et que la raclée soit si cuisante pour Défi que « Lulu » se laisse tenter par une discrète migration politique, juste une translation vers la droite, histoire d’élargir son horizon de députée bruxelloise, de justesse arraché grâce à la case de tête. Dans les rangs du MR, dont les scores électoraux avaient visiblement de quoi la faire changer d’avis, un siège côté fenêtre attendait Ludivine de Magnanville. Elle l’a saisi. Opportunisme éhonté ? La députée dira plutôt que le MR offre de quoi réaliser les projets qui lui tiennent à cœur. Vraiment sympa, ce nouveau challenge. G.S.

Pascal Arimont

« Bruxelles manque vraiment de vaches »

34,9 % en 2019, 34,9 % en 2024. Arimont à l’Europe, c’est CSP : Christlich Soziale Partei ou Constant, Stable et Performant. Hop, troisième mandat consécutif. Voilà le député le plus scruté du parlement européen (c’est en ces termes qu’il se qualifiait lors de notre interview itinérante il y a six mois, dans le numéro 27 de Wilfried) parti pour cinq années supplémentaires à défendre la compétitivité des entreprises et « les gens de la campagne » à coups de quatre trajets Büllingen-Bruxelles par semaine au volant de son Audi. Comme cadeau pour ses 50 ans : une place de membre effectif dans trois commissions, dont les réunions ont souvent lieu en même temps. Alors qu’en ce mois de novembre, les institutions se mettent lentement en branle, il démange notre unique eurodéputé germanophone de déballer les dossiers. «Il ne faut pas traîner. Le contexte géopolitique est hyper tendu. Trump nous divise, laisse planer des menaces sur nos relations stratégiques et commerciales. Ce n’est pas le moment de faillir ou de se chamailler entre centristes démocrates. Dans chaque domaine, je vais m’atteler à créer les conditions d’une Europe qui s’autonomise.» Dans l’immédiat, l’addict de vaches (c’est son animal préféré et plus encore : il nous révèle qu’il mijote un texte législatif pour en introduire à Bruxelles) nous redit le rejet qu’il éprouve vis-à-vis de l’accord commercial avec le Marché commun du Sud (Mercosur), composé de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay. «Le texte actuel montre qu’on n’a rien compris des revendications du secteur en continuant de considérer la production agricole comme monnaie d’échange pour gonfler nos transactions.» Ce qu’un tracteur pénétrant Bruxelles aurait exprimé en un coup de klaxon. G.S.

Mathias Pley

Everybody’s Got to Learn Sometime

On n’avait plus rêvé telle success story depuis l’ascension de son idole, Céline Dion, des plaines québécoises au Strip de Vegas. En 2018, Mathias Pley avait 19 ans et pour ambition de devenir bourgmestre de sa ville de Beauraing en 2024, publier un livre et, au détour d’une carrière flamboyante, se faire Premier ministre. Si depuis lors, le jeune homme n’a pas encore investi le 16, rue de la Loi, il s’est frayé un chemin au sein du cabinet d’un habitué des lieux, Elio Di Rupo. Des plaines de Beauraing à la place du Lux, Mathias suit sa bonne étoile au parlement européen, où l’on croise peut-être moins de shots fluo qu’à Vegas, mais tout autant de valises de cash (il s’agit d’une blague subtile qui fait référence au Qatargate, oh, on doit toujours tout vous expliquer). Dans le numéro 15 de Wilfried, le Beaurinois témoignait de sa passion pour la politique, déclarée lors des 541 jours sans gouvernement et à l’issue desquels Di Rupo était devenu Premier ministre. « Quelque part, la boucle est bouclée », observe-t-il aujourd’hui. Moins « prétentieux » qu’à 19 ans, il aborde sa carrière avec plus de pragmatisme et laisse derrière lui ses ambitions de règne sur Beauraing. Bruxelles ne l’a pourtant pas encore tout à fait gagné et Mathias avale tous les jours, en voiture et en train, les cent dix kilomètres qui séparent sa ville natale de la capitale. Ce soir de novembre, il assistera au conseil communal — qu’il ne rate jamais — en tant que citoyen assidu puis songera, depuis son lit, à son futur ouvrage politique, une analyse au stéthoscope de « l’état de notre société ». Les préventes seront bientôt disponibles sur le site de Wilbur mag. Ph.R.

Karel Sabbe

Court toujours

« J’ai réalisé qu’en accomplissant quelque chose d’unique, tu obtenais des moments uniques », nous racontait, en 2020, l’ultratrailer Karel Sabbe. Cet été-là, dans les dunes de Knokke-le-Zoute, le dentiste gantois s’était lancé dans un duel à mort face à notre journaliste un brin grassouillet mais tout aussi masochiste que lui. Détenteur du record de la traversée la plus rapide du Pacific Crest Trail (4 240 kilomètres avalés en 52 jours) et de l’Appalachian Trail (3 510 kilomètres en 41 jours), Karel Sabbe n’avait déjà plus grand-chose à prouver. En 2019, il était le dernier homme debout lors des marathons de Barkley, cinq boucles infernales et 18 000 mètres de dénivelé positif à terminer en moins de soixante heures. Seul caillou dans sa basket boueuse : être le dernier homme debout ne fait pas de vous l’un des très rares finishers de cette course réputée la plus dure du monde. Qu’à cela ne tienne. Il retente le coup en 2022 où, lors du quatrième tour, perdu dans les forêts humides du Tennessee, pris d’hallucinations, il demande de l’aide à une poubelle publique, avant d’être secouru par la police locale avertie par un riverain « qu’une sorte de vieille dame étrange » rôde dans les bois. L’année suivante, le visage émacié, réveillé depuis des jours, le dentiste atteint enfin la ligne d’arrivée de la Barkley, six minuscules minutes avant la fin du chrono, faisant de lui le dix-septième finisher de l’histoire de la course. Karel y a découvert « une version brute » de lui-même, dit-il aujourd’hui. Ses exploits ont fait l’objet de plusieurs documentaires, et le sportif a créé sa plateforme de coaching pour aider les coureurs à finir un ultramarathon. « La Barkley était un très grand chapitre de ma vie », mais certainement pas le dernier. En janvier prochain, il parcourra la Nouvelle-Zélande du Nord au Sud, soit 3 000 kilomètres de kif et de paysages hobbitesques. Vous ne flanchereeeez paaaaas ! Ph.R.

Charline Van Snick

Charline Doesn’t Keep Quiet

À l’heure où la Belgique envoie fièrement aux Oscars un film sur le harcèlement dont est victime une jeune sportive incapable de parler (Julie Keeps Quiet du Courtraisien Leonardo Van Dijl), Charline Van Snick continue à dénoncer ceux qui imposent leur loi du silence. On avait discuté avec la judokate en 2021. Elle revenait alors sur les traumatismes qui avaient jalonné sa vie de sportive olympique, d’un scandale de dopage sur fond de sabotage au harcèlement physique dont elle accuse son ancien coach. C’est cette accumulation qui l’a poussée à annoncer, en février dernier, la fin de sa carrière, peu avant les Jeux de Paris qui devaient être ses derniers. « Totalement dégoûtée » par le milieu sportif, fatiguée de se battre contre le « climat de peur et d’emprise » qui y règne et se sentant mise à l’écart, la Liégeoise à l’origine du compte #Balancetonsport a décidé de mener le combat autrement. Elle est intervenue au parlement européen à propos du sexisme dans le sport et planche désormais sur sa biographie, l’occasion de « passer un coup de balai avant de fermer la porte derrière [elle], bien qu’il faudrait plutôt un gros coup de karcher». Charline Van Snick évolue aussi en politique. En juin dernier, sur la liste liégeoise d’Ecolo, elle a glané plus de 3 700 voix, mais n’a pas remporté de siège à la Chambre. Elle s’est rattrapée en octobre et siège aujourd’hui en tant qu’élue d’une liste citoyenne dans sa commune de Blegny. Ses impressions de la politique jusqu’ici ? « Au moins, dans les arts martiaux, on a un code moral. » Ph.R.

Chez Nous

Un p’tit coup et puis s’en vont

Au printemps 2024, le jeune parti d’extrême droite Chez Nous espérait percer lors des élections de juin avec, pour arme principale, son omniprésence sur les réseaux sociaux. Pourtant, « une vue, un like ou un follower n’égale pas un vote », prévenait Sandrine Roginsky, spécialiste de la communication politique. Les résultats du parti identitaire l’ont nettement illustré : avec 0,92 % de voix à la Chambre et 2,83 % au parlement wallon, Chez Nous n’a obtenu aucun élu (le seuil électoral est fixé à 5 %). Pour noyer son chagrin et traquer l’inspiration, son président Jérôme Munier s’est plongé dans la biographie de Jordan Bardella qu’il espère bien faire dédicacer au plus vite. Le Bruxellois maîtrise l’art de l’extrapolation comme de l’euphémisme. Les résultats des élections ? « On n’est pas passés très loin. » Le vote, en septembre dernier, d’une trentaine des membres du parti pour sa destitution ? « Une scène un peu cocasse. » Loin du coup d’État décrit dans la presse, Jérôme Munier évoque une « réunion de café entre militants » dont certains « avaient un peu trop bu l’après-midi » (au moins étaient-ils à jeun le matin). Il s’agirait surtout d’une tentative de putsch de Salvatore Nicotra, président du parti Agir, successeur légal du FN belge, qui zieute la présidence de Chez Nous. Désormais « en pause », selon Munier, le parti sommeillera jusqu’aux élections de 2029 où le triomphe est grandement espéré. D’ici là, le nationaliste s’est réfugié de l’autre côté de la frontière linguistique pour œuvrer au sein du parlement flamand, dans le cabinet d’un député Groen. On déconne : le député en question est bien un franc-tireur du Vlaams Belang. Pochtrons, pas poltrons. Ph.R.

Alana Castrique

Tout roule

C’était 2022, c’était la tuile. Seule coureuse professionnelle wallonne, Alana Castrique, 23 ans, participe au Tour de France femmes, le premier organisé depuis les années 1990. « Pour le cyclisme féminin, ça passe ou ça casse. Soit ça plaît et on continue, soit les gens ne sont pas intéressés et le cyclisme féminin s’effondre », résume-t-elle aujourd’hui. La gloire ou l’effondrement, pas de pression pour la jeune femme qui, juchée sur son vélo au départ de la course donné à Paris, compte bien « écrire l’Histoire ». Quelques heures et une vilaine chute plus tard, on ne connaît pas encore l’avenir du cyclisme féminin mais les rêves d’Alana Castrique, eux, sont autant en miettes que son bassin. Quand on l’avait rencontrée, quelques mois avant la gamelle, la coureuse menait en parallèle de sa carrière sportive des études de kiné. Les deux étaient trop durs à combiner et Alana a depuis quitté l’école pour se concentrer sur le cyclisme. Elle a entamé une formation en management sportif à distance et, en janvier, elle rejoindra une nouvelle équipe féminine professionnelle, dont les coureuses perçoivent désormais le même salaire minimum que les hommes (hourra). Pour le cyclisme féminin — désormais presque autant diffusé que le masculin — comme pour la sportive, ça passe plus que ça ne casse. Alana Castrique espère d’ailleurs être au départ du prochain Tour de France cet été, et cette fois éviter de finir sur « un malentendu ». Ph.R.

La piscine de Salzinnes

Cry Me a Piscine

Des appartements, des kots et des apparts-hôtels. À Namur, depuis notre article dans le numéro 27, les bâtiments de la piscine de Salzinnes ont trouvé un acquéreur en la société Unibricks, qui a de grands projets pour ce petit bout d’histoire locale. Fermé en 2020 et mis en vente en 2022, le lieu sera finalement racheté pour 1,8 million d’euros, plus d’oseille que n’osait espérer la Ville, qui en souhaitait minimum un million. « On peut pleurer jusqu’à remplir toute une piscine, mais ça ne sert à rien », image Benoît De Rue, président du collectif Salzinnes Demain, à propos de la fin du bassin. Dans Wilfried l’été dernier et peu avant les élections, déjà, les aficionados des plongeoirs ne se faisaient plus d’illusions quant à l’avenir de leur piscine. «Avant les élections, le calendrier communal annonçait déjà l’accord pour le projet de nouvelle piscine à Bouge, en périphérie de la ville», ajoute Benoît. Ce nouveau bain devrait être desservi par le TEC pour les écoles, et pourrait prendre la forme d’un partenariat avec une autre commune comme d’un projet aquatique avec le groupe Plopsa (vous savez, le lutin avec un grand chapeau rouge, et pas celui de la Chouffe, bande de boit-sans-soif). Plopsa, Emmanuel Depret en a des frissons. Ce nageur s’est démené pour empêcher la fermeture de Salzinnes. Il fustige aujourd’hui « ses fresques bientôt détruites » (seule la façade restera intacte), ainsi que le petit bassin de douze mètres de long (dommage, à « ça » près, on avait un quart de piscine olympique) qui y sera conservé et devrait être accessible au public, à un tarif encore inconnu. Plus résigné, Benoît De Rue conclut qu’à Salzinnes, « une petite piscine, c’est mieux que pas de piscine du tout ». On verra votre réaction quand on vous servira un Wilfried de douze pages. Ph.R.

Jinnih Beels

Loin d’une girouette

De toutes les personnes qu’aurait pu citer Jinnih Beels pour résumer ses six années en tant qu’échevine à Anvers, on n’aurait pas misé sur Stéphanie de Monaco. Ce mandat s’est passé « comme un ouragan », déballe à brûle-pourpoint l’ex-commissaire de police aujourd’hui députée Vooruit à la Chambre, née dans les bidonvilles de Calcutta, qui décidément cumule les points communs avec la princesse du Rocher (c’est du second degré, va-t-on vraiment devoir tout vous expliquer ?). En 2019, lorsque nous l’avions rencontrée, Jinnih Beels avait quitté la police deux ans auparavant, sous l’impulsion du socialiste Tom Meeuws, convaincu de son avenir au sein de SP.A. Depuis, elle a connu la tornade qu’est la politique, pactisé avec le bourgmestre d’Anvers au (mé) prix parfois de son parti et « obtenu beaucoup dans les domaines sociaux malgré ses six élus contre 23 pour la N-VA ». Les rafales, Jinnih Beels les observe surtout. À l’image de celle qui a emporté son mentor, l’échevin Tom Meeuws, retraité de la politique en février dernier sur fond d’accusations de racisme. Vooruit ainsi dans la tourmente, l’échevine a dû renoncer, un mois plus tard, à la tête de liste pour le scrutin communal. Élue finalement au parlement fédéral, où elle retrouve Bart De Wever, Jinnih Beels compte bien confirmer sa « capacité à faire des deals dans des circonstances difficiles ». Pourvu que le temps soit clément. Zut, on a senti une goutte. Ph.R.

Wilfried N°29 - L'opération Benoît Poelvoorde


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