Avec son film « Les Barons », Nabil Ben Yadir plaçait Molenbeek sur la carte de la comédie à succès. Le réalisateur s'est depuis considérablement éloigné du rire et de la légèreté. À l’entendre, son nouveau long-métrage, inspiré de l'affaire Ihsane Jarfi – trentenaire gay torturé et tué à Liège en 2012 – et toujours dans l’attente de pouvoir sortir en salles, est le plus violent et le plus dérangeant de l'histoire du cinéma belge. Chez Nabil Ben Yadir, la politique n’est donc jamais loin. Surtout si c’est pour étudier la Belgique, ce pays qui l’intrigue, et sa capitale, cette ville qu’il adore « par fainéantise ».
Ce matin-là, il porte sur le torse les lettres imprimées d’un sweat à capuche : Human Republic. Deux mots pour une doctrine politique, pour une ligne de vie. Ce pourrait être de la plate béatitude s’il n’y avait aussi dans la façon qu’a Nabil Ben Yadir de voir le monde, de le scruter, de le filmer, toutes les nuances d’une âme parfois sombre.
En trois longs-métrages, le cinéaste bruxellois a construit un style propre, infusé de rires et de violence, à parts presque égales. Les Barons, en 2009, chroniquait les jours d’une clique de combinards imaginatifs, entre petites arnaques et tournicotis urbains à huit dans une BMW. Si on y apercevait Virginie Efira dans un rôle secondaire, l’essentiel du casting était molenbeekois. La Marche, en 2013, revenait sur ce qui sera plus tard appelé « la marche des beurs », une odyssée de sept semaines de Marseille à Paris, moment fondateur de l’antiracisme. On y retrouvait, outre Olivier Gourmet, Jamel Debbouze et Hafsia Herzi, l’actrice bruxelloise Lubna Azabal. Thriller sorti en 2017, Dode Hoek (Angle mort) emboîtait les pas d’un commissaire à la brigade des stups d’Anvers, Jan Verbeeck : happé par la politique, le flic se rêve en nouveau héros de la droite populiste, mais une dernière enquête le conduit à Charleroi…
Jusqu’aux salles obscures et aux tapis rouges, le chemin fut long. « Les gens ont l’impression que les films d’1h30 se tournent en 1h30. Ils n’imaginent pas que derrière, ce sont des années de réflexion et de travail », sous-titre Nabil Ben Yadir. Du travail, il a connu les déclinaisons les plus harassantes. Il a éprouvé le quotidien de la working class : électromécanicien, ouvrier à l’usine Volkswagen de Forest, gardien de parkings, entre autres labeurs, avant d’enfin saisir la caméra, à force de persévérance. « Déterminé à ne jamais vraiment lâcher l’affaire », comme rappait Suprême NTM.
Nabil Ben Yadir pourrait emprunter au duo de la Seine-Saint-Denis un genre de devise. « Tout n’est pas si facile, tout ne tient qu’à un fil. » Il était adolescent au moment de la déferlante hip-hop. « J’ai été déscolarisé pendant plus d’un an. Je me faisais virer, je changeais d’école, et le temps que le dossier arrive dans ma nouvelle école, je m’étais encore fait virer. On m’a mis en couture-cuisine. Des gens avaient décidé que je serais bien en couture-cuisine parce qu’il y avait des cours de dessin. J’ai eu un parcours assez chaotique. Et écouter du rap m’a aidé à tenir bon. Les albums d’IAM ont été pour moi comme des mains tendues, des mains secourables. Il y a des chansons qui m’ont même sauvé. Je pense en particulier à Demain, c’est loin, un super morceau qui dure neuf minutes sur L’école du micro d’argent, la référence ultime. » En Belgique, c’est un certain Hamid Gharbaoui, mieux connu sous le nom de Benny B, qui fera entrer le rap dans presque tous les foyers du pays. « Il habitait la rue juste en bas de chez moi. On le voyait passer, discuter avec ses potes. Benny B, ce n’est pas le rap revendicateur. Il avait créé un produit, de façon totalement assumée, mais il avait compris comment toucher la corde populaire. Et nous, que voyait-on ? On voyait un mec du quartier qui portait un nom arabe et qui avait réussi un truc. Cela nous rendait fiers. »
Son regard porte en lui l’exil, le déracinement, le mouvement, les glissades, les dérives. Avant même l’arrivée de ses parents à Molenbeek, la lignée avait déjà connu le chez-soi que l’on laisse, les bagages que l’on boucle à la hâte. « Mes parents sont nés en Algérie, comme toute une génération de Marocains qui y sont partis travailler. Du jour au lendemain, ils ont été expulsés sur décision du gouvernement algérien. Forcés manu militari de quitter leur maison, ils sont alors revenus au Maroc. C’est comme une blessure collective qu’on tait. Beaucoup d’habitants de Molenbeek sont des Marocains du Nord, du côté de Oujda et Nador, dont les parents ou les grands-parents sont nés en Algérie. »
Son prochain film, Animals, dont la sortie a été postposée en raison du contexte sanitaire, est une immersion suffocante dans les heures qui ont précédé et suivi l’agonie d’Ihsane Jarfi, jeune homme gay assassiné en avril 2012 à Liège. Nabil Ben Yadir projette aussi de tourner Les Baronnes, sur les femmes de Molenbeek. Il a d’autres projets en cours. Pour l’heure, il reste discret à leur sujet. À coup sûr, il n’en a pas fini de braquer sur l’histoire politique et judiciaire belge ses faisceaux croisés d’ombre et de lumière.
Votre filmographie témoigne d’une fibre politique, d’un intérêt pour l’état du corps social. Est-ce en vous depuis toujours ?
Je lis le journal depuis que je suis enfant. Mon père a été pendant quarante ans chauffeur-livreur du journal Le Soir. Il conduisait une camionnette noire avec laquelle il allait déposer aux libraires l’édition du matin, l’édition de l’après-midi. Parfois, je faisais le service avec lui. Cela fait qu’on a toujours eu le journal gratuit à la maison. Maintenant encore, on a l’abonnement au Soir. J’ai aussi été marqué par les rencontres avec René Haquin, l’une des signatures emblématiques du journal. Mon père papotait souvent avec lui, et ils avaient fini par devenir potes. René Haquin venait à la maison, il nous a aidés à déménager. Il a écrit plusieurs bouquins sur les grandes affaires judiciaires belges. On le voyait dans les émissions télé, il avait un air de Gainsbourg, clope au bec. Tout ça fait que la Belgique m’a toujours intéressé. Je trouve le pays intrigant. Quelle est sa logique politique ? Comment s’organise-t-il ? Je n’ai pas encore toutes les réponses, mais je ne me lasse pas de ce territoire curieux, avec ce peuple bien particulier. Et puis, la question des frontières me taraude pas mal, et à ce niveau, la Belgique est un cas d’école. Il y a les frontières visibles et les frontières invisibles, souvent plus fortes que nous. T’es à Molenbeek, tu passes à 1000-Bruxelles, et en deux minutes à pied, tu changes d’univers. C’est ce que je raconte dans Les Barons, des mecs qui restent ensemble, qui tournent en rond en permanence. Alors qu’ils ont une voiture, ils ne quittent jamais le quartier parce que c’est une façon de se sentir en sécurité, d’être soi-même.
Comme d’autres à Paris font des tours sur le périph.
Voilà, ils tournent sur le périph mais ils ne rentrent jamais dans la ville. Les mecs de notre génération, on se disait qu’il fallait trouver une maison à Molenbeek parce que la communauté marocaine était là. C’était aussi une question de facilité. Où tu veux aller habiter avec tes enfants ? Là où habite le voisin de ta grand-mère, qui connaît un ami dans ton village d’origine au Maroc… Quand mon père a trouvé la maison où on habite à Molenbeek, il hésitait entre cette maison et une autre, plus grande, moins chère, avenue Louise. Et mon père a voulu Molenbeek. Je pense que j’aurais été rentier s’il avait acheté la maison avenue Louise, parce qu’elle est immense, sept appartements, mais le choix était intéressant. Se dire : on est d’abord là pour être en sécurité, pour parler aux gens. Alors oui, le résultat, c’est qu’on s’est peut-être un peu enfermés sur nous-mêmes. C’est ça, les frontières invisibles.
Votre père est venu à Bruxelles comme ouvrier ?
Il a fait plein de jobs. Il a été chauffeur de tram. J’ai appris sur le tard, par ma mère, qu’il avait été projectionniste dans un cinéma chaussée de Gand. Il a aussi travaillé dans un laboratoire photo. Et puis, il a eu ce poste à l’imprimerie Rossel. C’est intéressant de voir le parcours, parce que, objectivement, fallait y aller, tout laisser pour partir dans l’inconnu.
Surtout à une époque où il n’y avait ni antennes paraboliques, ni Internet pour se relier au pays. Le déracinement était total, sans recours.
Mon père échangeait avec sa maman par cassette radio. Il s’enregistrait, il parlait pendant une heure. Il était assis à table et il me disait « viens dire bonjour à ta grand-mère ». On envoyait la cassette par la poste, ou on la donnait à une connaissance qui partait au Maroc. Ma grand-mère réenregistrait dessus, et elle renvoyait. T’avais intérêt à avoir écouté attentivement pour pouvoir ensuite répondre pendant une heure. Ils communiquaient comme ça, en appuyant sur rec, et un mois plus tard, ils avaient la réponse, la voix des personnes restées au pays. C’était un trip super. C’est exactement ce que nous n’arrivons plus à faire : prendre le temps, lui donner de la valeur.
La question de l’intégration est assez absente des « Barons ». N’est-cas pas ce qui a assuré le succès du film, une façon de relâcher la pression ?
C’était un choix de ma part d’évacuer cette question de l’intégration. Le film montre un microcosme. Les mecs qui évoluent à l’intérieur ne se demandent pas s’ils sont intégrés. Ils sont ailleurs, ils sont les barons. Les gens qui parlent d’intégration, ils sont une étape avant ; eux, ils sont une étape après. Le fait d’en avoir fait une comédie était en soi un acte politique. La Marche, par le sujet, par le titre, c’est un film politique, mais il l’est moins que Les Barons. Les Barons, il vient d’un vrai vide.
Jamais le cinéma n’avait montré le Bruxelles contemporain de façon aussi vivante.
Il y a eu d’autres films avant, bien sûr. Je pourrais citer Brussels by night, sorti en 1983, mais c’est un truc qui a retenti d’une autre manière. Là, on montrait une minorité. Moi, je montre la normalité. C’est dingue de penser que quand Les Barons est sorti en 2009, les gens se disaient : c’est la première fois qu’on montre Bruxelles, la première fois qu’on montre des jeunes de quartiers comme personnages principaux d’un film, la première fois qu’on voit un réalisateur des quartiers porter un film. Hallucinant qu’en 2009, ce soient autant de premières fois. Avec un outil, le cinéma, qui date des frères Lumière.
Vous évoquiez les frontières invisibles. Vous sentez-vous parfois enfermé à Bruxelles ?
Non, mais ça a pris du temps. C’est une question de se sentir à l’aise. On a toujours bu des cafés au quartier. T’es là, tu bois ton café et après tu vas payer. Quand tu quittes le quartier et que tu te rends compte que le serveur te demande de payer avant de consommer, et qu’en plus, il n’exige pas ça de tous les clients, tu te dis : pourquoi j’irais donner mon argent à ce mec-là qui n’a pas confiance en moi ?
Vous avez toujours vécu à Molenbeek ?
Je suis né à l’hôpital Saint-Jean, près de la place Rogier, mais à partir du cinquième jour, j’étais à Molenbeek. J’ai grandi là. Mon père est mort mais ma mère habite toujours à Molenbeek. Moi, j’ai quitté Molenbeek parce que la vie a fait que… Mais je ne suis pas loin, vous voyez ce que je veux dire ? C’est fou, psychologiquement, ça compte pour moi. J’habite du côté de la place Sainte-Catherine, je ne suis pas parti loin. Je reste près de la frontière, juste de l’autre côté du canal.
C’est une vraie frontière, le canal ?
C’est une frontière visible, mais elle se superpose avec une frontière plus invisible. C’est toujours intéressant que les jeunes sortent de leur quartier, mais c’est tout aussi intéressant que les gens de l’extérieur rentrent dans le quartier. Et ça vaut la peine d’analyser comment sont agencés les lieux à la jonction de 1000-Bruxelles et de Molenbeek : vous avez la rue Dansaert, puis la chaussée de Gand qui la prolonge, avec le pont sur le canal comme césure. La rue Dansaert est à double sens, mais la chaussée de Gand est à sens unique. On peut facilement sortir de Molenbeek, mais quand on est à Dansaert et qu’on arrive chaussée de Gand, on se retrouve face à un sens interdit. Comme si Molenbeek était impénétrable. Si on aime l’ordre des symboles, ce serait bien que cette rue soit à double sens.
Comment se noue aujourd’hui votre rapport au Maroc ?
Un rapport surtout lié au souvenir des vacances d’été quand j’étais enfant, puis à d’autres périodes de ma vie. J’ai fait des castings au Maroc pour le rôle du père dans Les Barons. J’ai reçu un prix au festival de Marrakech des mains d’Alfonso Cuarón. Mais c’est toujours compliqué pour notre génération de parler du Maroc. Toujours compliqué, toujours trop tard. On est des Rifains, on vient du nord, on parle berbère, pas arabe. C’est en soi particulier, et une grande partie de la communauté marocaine de Belgique partage cette particularité, surtout à Molenbeek et à Anvers.
Une étude linguistique a montré que dans les années 1980, le berbère était fort parlé dans les rues de Bruxelles, par des enfants d’origine marocaine qui l’utilisaient en alternance avec le français. Par la suite, l’arabe a supplanté le berbère dans l’usage des Belgo-Marocains.
Il y a toujours des gens qui parlent berbère, mais moins qu’avant. Moi-même, je parle arabe, enfin je me débrouille, mais avec ma mère, je parle français. Elle sait lire, elle sait écrire. Mon père, il faisait des mots croisés. Quand j’avais des mauvais bulletins, je ne pouvais pas les éviter. J’essaye maintenant de reparler un peu arabe, mais ce n’est pas simple. Et le berbère, je le comprends mais je le parle très peu, à mon grand regret, car je pense que c’est important de ne pas oublier. L’évolution dont vous parlez tient en partie au rapport à la religion. Le Coran est en arabe. La langue de l’islam, c’est l’arabe. Je pense que ça joue. Et puis, les gens s’obligent à être identifiables. Parler arabe, ça te rend identifiable. Les gens préfèrent parfois être identifiables plutôt qu’identifiés.
« J’adorerais atteindre le niveau de Louis de Funès, car c’est plus simple de faire pleurer que de faire rire. C’est ça mon horizon. »
Vous avez évoqué votre père, livreur du journal « Le Soir ». Quel rôle a joué votre mère dans votre éducation culturelle et politique ?
Ma mère, c’est une cinéphile avant tout. Elle ne travaillait pas, elle s’occupait totalement de nous, elle lisait beaucoup, des romans, le journal, et elle regardait des films. Ma première leçon de cinéma, je l’ai reçue d’elle. On regardait Rabbi Jacob, La Grande Vadrouille, et ma mère disait : ce n’est pas le film de Louis de Funès, c’est le film de Gérard Oury. J’ai compris l’importance du réalisateur. L’Homme qui en savait trop, d’Alfred Hitchcock, est le premier film qui m’a marqué. On le regardait à la maison car toute la première partie se passe à Marrakech. Je l’ai vu et revu, gamin. Un jour, je prends le TGV avec mon père pour aller voir ma tante dans le sud de la France. Dans le wagon-bar, je dis : papa, regarde, c’est Hitchcock ! J’avais 10 ans, j’étais très excité. Mon père me dit de me calmer. Et là, le monsieur nous dit : en effet, j’ai tourné avec Alfred Hitchcock. C’était l’acteur français Daniel Gélin, qui avait un rôle dans L’Homme qui en savait trop. Mon père a déchiré une page de son journal et il a demandé un autographe. Daniel Gélin a écrit : « Pour Nabil, le jeune homme qui en savait trop ».
Nabil Ben Yadir, en 2021, c’est un homme qui regarde dans quelle direction ?
Aujourd’hui encore, ma référence, c’est le cinéma populaire. J’adorerais atteindre le niveau de Louis de Funès, car c’est plus simple de faire pleurer que de faire rire. C’est ça mon horizon. Un film comme Les aventures de Rabbi Jacob, le fond est super intéressant. Tu commences à suivre un mec facho, raciste, antisémite, et tu te dis : c’est lui que je vais suivre ? Il y a les Arabes, les Juifs… Le fond est très dur. De nos jours, ce serait impossible de refaire Rabbi Jacob. Il y a des dialogues, tu n’oserais même pas les prononcer. Le film ne sortirait pas. Tout le monde l’attaquerait avant de l’avoir vu. Les distributeurs seraient en panique. Même en 1973, il fallait des couilles pour faire Rabbi Jacob. D’ailleurs, Gérard Oury a eu très peur car le film est sorti dans un mauvais timing. On était en pleine guerre des Six-Jours et sur l’affiche, on voyait Louis de Funès avec des tresses et, derrière, un Arabe avec une grosse moustache. C’est pour ça que je respecte Gérard Oury, pour une forme de courage. Quand il sort La Grande Vadrouille en 1966, il est attaqué de partout, notamment par les associations d’anciens combattants. On lui reproche de ne pas montrer les crimes des nazis. Les gens ont été époustouflés par l’audace de La vie est belle, mais c’est sorti en 1997. Oury, il tourne une comédie sur la Seconde Guerre mondiale alors que la mémoire est encore brûlante.
Gardez-vous le souvenir de ce qui fut votre premier engagement, votre première indignation ?
Je ne suis pas un combattant. Je ne suis pas un mec de manifs. Je suis un mec qui revendique des choses et qui les porte à sa manière. Après les attentats de Paris et Bruxelles, je refusais toutes les interviews. Cela me faisait chier de voir les gens qui parlaient, mais j’avais encore moins de crédit qu’eux pour l’ouvrir. J’allais parler en tant que quoi ? En tant que clown de Molenbeek ? Certains médias auraient voulu m’entendre dire que je connaissais Salah Abdeslam, mais je n’ai jamais accepté de rentrer là-dedans. J’étais autant choqué que tout le monde, donc laissez-moi tranquille. Je n’oublierai jamais une histoire qui m’est arrivée quelques années plus tôt, en 2011. J’étais à Paris. Un journaliste de la RTBF m’appelle très tôt, à 7 heures du matin : « Ben Laden est mort, on aimerait avoir votre réaction. » J’étais sur le cul. Pourquoi vous m’appelez, moi, quand Ben Laden est mort ? Pourquoi vous ne m’avez pas appelé quand Michael Jackson est mort et que j’ai chialé ma race ? Parce que je suis un Arabe ? Quel est le lien avec Ben Laden ? Je m’appelle Ben Yadir, lui Ben Laden, ça ne veut pas dire qu’on est cousins. Mon combat, c’est de faire des films que les gens regardent et où le message politique vient après. C’est l’effet kiss cool. D’où la forme est hyper importante. Quand j’ai fait Dode Hoek, je voulais que les gens se disent : ah ouais, j’ai vu un thriller, bien filmé, une histoire percutante. Et que dans un second temps seulement, ils pensent : c’est bizarre, cette histoire d’un flic arabe qui est encore plus raciste que les autres, et puis ces croisements entre la Wallonie et Anvers. Pour cette raison, je n’étais pas d’accord avec la façon dont les distributeurs ont vendu La Marche. Ils ont parlé plus de la revendication, du racisme que du cinéma. Je leur disais : vous vous trompez, les gens ne vont pas aller voir un film qui parle de ça, et d’ailleurs le film ne parle pas que de ça, laissez les gens venir dans les salles, ne les dégoûtez pas. On entend tout le temps parler du racisme au journal télévisé, pourquoi les gens iraient payer dix euros pour voir un film sur le racisme ?
Sur le Net, on peut revoir une confrontation entre Malek Boutih, ancien président de SOS Racisme et ex-dirigeant du PS français, et Hamé et Ekoué, du groupe de rap La Rumeur. Le face-à-face a pour cadre l’émission « Tout le monde en parle », en 2013. « Je préfère faire peu de choses que vendre beaucoup d’illusions », se défend Malek Boutih. « Vous avez vendu beaucoup d’illusions, c’est ça le problème ! » accusent Hamé et Ekoué. L’échange touche au cœur des enjeux évoqués dans votre film « La Marche ».
Ce sont des gens du PS qui ont créé de toutes pièces l’association SOS Racisme à la fin de la marche des beurs. Pourquoi ? Pour canaliser, pour cadrer. D’ailleurs, la marche des beurs est une invention qui arrive à la fin du parcours. Il n’y a pas que des beurs parmi les marcheurs ! Il y a un prêtre catholique, un pasteur protestant, des habitants du quartier des Minguettes à Lyon, d’autres personnes encore. C’est un mélange, avec des revendications sociales. Le titre de départ, c’est la marche pour l’égalité et contre le racisme. Alors je comprends la colère qu’exprime La Rumeur. Rien que l’expression « touche pas à mon pote », popularisée par SOS Racisme, elle me dérange. Un : je ne suis pas ton pote. Deux : c’est toi qui vas me défendre ? Donc je suis une victime et il y a un type à côté de moi, quelqu’un de blanc, qui va dire « touche pas à mon pote » ? Il y a quelque chose de biaisé à la base, une dynamique qui ne vient pas de l’intérieur, pas de la réalité, puisque les victimes apparemment sont les potes, et ce ne sont pas eux qui parlent.
Cette sémantique antiraciste des années 1980 paraît à présent terriblement datée.
Tout ce discours ne marcherait plus. Il serait même attaqué. Les gens diraient : qui tu es, toi, pour parler comme ça ? Après, ça ne veut pas dire que seules certaines catégories de personnes doivent s’impliquer dans la lutte antiraciste. L’idée, c’est que personne ne parle à la place des premiers concernés. Le père et la mère du mec qui est mort, ce sont eux qui ont mal. Ce sont eux qui doivent pouvoir s’exprimer. Eux doivent servir de micro. Le discours sera d’autant plus sincère. Quand on voit ces jeunes qui meurent dans les commissariats, y compris en Belgique, on est obligé de reconnaître qu’il y a un gros problème. Je ne parle même pas nécessairement de crime raciste, mais il faut au moins poser le débat. Il y a du gaz sarin à l’intérieur des cellules à Bruxelles ? Comment se fait-il que des mecs meurent ?
Vous avez sorti « Dode Hoek » en 2017, au final particulièrement sombre. Quatre ans plus tard, selon les projections des derniers sondages, le Vlaams Belang est virtuellement premier parti à la Chambre. Un film prémonitoire ?
Le ras-le-bol de la politique était déjà là en 2017, et les extrêmes exploitent ce ras-le-bol. Ce serait bien que les partis au pouvoir reconnaissent qu’ils ont déconné, qu’ils se réinventent. La solution ne viendra pas avec des symboles. Les symboles ne m’intéressent pas. Certains disent qu’on a besoin de plus de diversité dans le monde politique. Moi, je dis : on a besoin de normalité. Commencer à parler de diversité maintenant, c’est presque insultant. Regardez, sortez dehors, je vous mets au défi de savoir qui vous croisez. Les origines, les couleurs… La diversité est déjà là, c’est la normalité maintenant. Elle se ressent dans la rue, sur les réseaux sociaux, chez les artistes, mais pas assez dans la politique.
Comment alors normaliser la vie politique ?
Déjà, en maintenant le vote obligatoire. Le jour où on enlève ça, c’est la fin. Georges-Louis Bouchez veut rendre le vote facultatif. Pour moi, c’est une proposition scandaleuse. Maggie De Block a même été plus loin en déclarant, alors qu’elle était ministre, que les fautifs qui n’iraient pas voter ne couraient aucun risque de se retrouver en prison. Je trouve ça irresponsable qu’une membre du gouvernement fédéral affirme avec autant de légèreté que les citoyens peuvent se soustraire à leur devoir en toute impunité. Décidons alors carrément que plus personne ne vote, et qu’une poignée de dirigeants dirigeront à la place du peuple. Ou alors contentons-nous de sondages sur Internet. Certains prétendent que la démocratie, ce n’est pas d’obliger les gens. En fait, si ! On est bien obligé de payer ses impôts…
En cas d’abandon du vote obligatoire, les barons iraient-ils voter ?
Non. La politique n’arrive pas jusqu’à eux. Je ne dis pas qu’ils ne comprennent pas la politique mais ils ont d’autres préoccupations qui font que la politique ne les atteint pas. Le vote obligatoire, ça permet aux gens de se croiser une fois tous les cinq ans. C’est un rendez-vous démocratique entre les dirigeants des partis traditionnels et, par exemple, les jeunes de Molenbeek. C’est possible que les premiers dénigrent les seconds, et que les seconds détestent les premiers, mais au moins, la connexion entre les deux mondes se fait à la faveur de chaque élection. Pour moi, l’intérêt du vote obligatoire, c’est aussi la prise en compte des citoyens les plus modérés. Parce que les gens qui sont contre, ils se battront toujours avec plus d’acharnement que les gens qui sont pour. Celui qui dit non, non, non, il ne va pas craindre les kilomètres, il va te faire un marathon. Celui qui dit oui, oui, oui, il va te faire un sprint et après il va se dire : à quoi bon ? Le non, c’est une émotion, une colère, et c’est un carburant puissant. Le oui, ça ne peut pas être une émotion. Le vote permet aux plus raisonnables, aux modérés, d’exprimer ce sentiment plus positif, pour que le débat public ne soit pas entièrement dominé par ceux qui crient non, non, non.
Votre prochain film, « Animals », raconte le meurtre homophobe d’Ihsane Jarfi. Pourquoi vous être saisi de cette histoire ?
Dès le premier article lu sur cette affaire, je me suis immédiatement identifié à Ihsane Jarfi, parce que ça aurait pu être moi. J’aurais pu me retrouver là, face à quatre types incontrôlables. Malheureusement, c’est une histoire banale. Elle aurait pu se passer au Texas avec un black entouré de quatre membres du Ku Klux Klan. C’est la même violence. Une violence de groupe qui conduit une poignée d’individus à tuer un inconnu parce qu’il représente quelque chose qu’ils rejettent. Et cette violence, elle commence par le verbe. À partir du moment où tu traites ta victime de merde, t’es pas un homme, t’es un pédé, celui qui est devant n’est plus un humain. Après, tout s’enclenche. Quand on déshumanise une personne, il y a moins d’émotions. C’est comme tuer un animal. La déshumanisation commence par la violence des mots, mais ça vaut la peine de se demander d’où vient la violence des mots. Bien souvent, de l’absence de mots. Quand on n’a pas un vocabulaire énorme, toutes les virgules deviennent presque des insultes. Quand on n’a pas de réflexion sur les mots qu’on emploie, même un énervement passager peut vous conduire à devenir violent verbalement, et la violence verbale entraîne plein de choses.
« On est passé de la loi du plus fort à la loi du plus fou. »
L’histoire d’Ihsane Jarfi rappelle le sort réservé en 2016 à Valentin Vermeersch, un jeune de 18 ans qui souffrait d’un handicap mental, torturé, violé et jeté dans la Meuse à Huy par ses cinq bourreaux.
C’est presque la même histoire. Il y a une fragilité, un élément perçu comme spécial, en tout cas aux yeux des meurtriers, quelque chose qu’ils ne reconnaissent pas. Avec aussi l’effet de groupe. Cinq contre un, ce n’est pas du tout l’esprit mousquetaire. S’il n’y avait eu qu’une seule personne face à Ihsane, aurait-elle été jusqu’à tuer ? Clairement, non. À trois, quatre, cinq, il commence à y avoir de la masse, une surenchère, presque un engouement – le mot est horrible. Ce n’est pas une histoire de riches, pauvres, éduqués, pas éduqués. C’est une histoire qui raconte le monde actuel, et ce monde est dingue.
Diriez-vous que c’est un monde plus violent que celui de votre enfance ?
Évidemment. Avant, c’était la personne la plus forte qui intimidait, qui faisait peur. Maintenant, c’est la personne la plus folle. C’est le plus fou qui domine, parce qu’il est incontrôlable, il ne suit aucune règle. C’est la loi du plus fou. Vous vous souvenez de la mode du happy slapping ? Des mecs qui se filmaient avec leur téléphone et qui donnaient des baffes dans la rue, sans raison. Un gars attend le bus, il voit deux mecs arriver et il se prend une baffe. C’est une humiliation qui va rester à vie, la victime va avoir des gosses, et un jour l’enfant va taper un truc sur le Net et il verra son père se faire frapper. Je pense que c’est une image de la société de demain. On doit essayer de construire quelque chose autour de ça, mais je suis hyper pessimiste. Le risque, c’est que même après le confinement, chacun reste chez soi, emmuré, avec la peur de l’autre. Je pense qu’on doit se battre un minimum pour nos libertés, car ce n’est vraiment pas le monde dans lequel on veut vivre. Je me mets à la place d’un enfant né pendant le premier confinement, il n’a jamais reçu un câlin d’une personne autre que sa mère ou son père. On ne peut pas accepter que ça devienne une normalité.
Qu’est-ce qui vous fait tenir ?
J’aime bien les paroles apaisantes, intelligentes. J’admirais de longue date les discours de Rachid Benzine et c’est devenu un ami très proche. Il a écrit ce livre magnifique, Lettre à Nour, l’histoire d’un père qui communique avec sa fille qui se trouve Syrie dans les rangs de Daech. C’est un livre sur la relation père-fille, peu importe la religion. J’ai accompagné Rachid lorsque l’adaptation théâtrale a été jouée dans plusieurs prisons en France. Je me fondais dans le public, parmi les détenus, pour regarder la pièce, et j’assistais au débat après. Il y avait des mecs qui revenaient de Syrie, qui avaient été en première page du journal de Daech avec deux têtes coupées. Je me souviens d’une prison pour femmes avec des détenues étiquetées TIS (« terroristes islamistes »). Certaines déroulaient leur histoire, et je me disais : bizarre, ça me rappelle quelque chose. J’avais lu dans le journal un article sur une femme qui avait des bouteilles de gaz chez elle et qui projetait de faire exploser un truc sur les Champs-Élysées. Quand tu la vois en vrai, c’est une sensation très spéciale. Rachid Benzine arrivait à débattre avec ces personnes-là. C’est très important de bien choisir ses mots dans le climat actuel, et lui, il avait les mots justes, apaisants. J’ai vu un directeur de prison en larmes, parce que Rachid avait créé un échange d’une intensité folle. Quand j’ai terminé le montage d’Animals, c’est l’une des premières personnes à qui j’ai montré le film.
Parce que vous aviez un doute quant au fait de montrer à l’écran une violence extrême ?
On a toujours un doute quand on fait un film, celui-ci particulièrement. Je n’avais aucun doute sur le fait qu’il fallait montrer la violence, je voulais juste qu’on comprenne bien que ce n’était pas une démonstration gratuite. Animals sera, je pense, une première dans le cinéma belge. Le film le plus violent que la Belgique ait connu, c’était C’est arrivé près de chez vous, mais c’était une comédie. On riait, on était mal à l’aise. Là, on ne rira pas. Quand j’ai montré le film à Rachid Benzine, j’étais content qu’il comprenne mes choix. J’aimerais que des personnes presque homophobes aillent voir Animals, des gens qui se disent qu’à la limite, Ihsane n’a eu que ce qu’il méritait, et ensuite pouvoir créer un débat. Ce qui m’intéresse, c’est de me confronter à des gens qui ont des idées différentes des miennes, ou différentes de la majorité de la population – mais c’est quoi, la majorité ? Je pense qu’on serait très, très étonné de voir la réalité de l’âme humaine.
Simenon disait qu’à travers ses romans, il cherchait à comprendre, et non à juger. Est-ce aussi votre façon d’appréhender les drames humains ?
Je pense qu’il faut s’intéresser à la complexité de l’âme humaine, en tout cas ne pas juger tout de suite, même si intérieurement, c’est impossible de ne pas juger. On ne peut pas s’empêcher de penser que ces actes sont criminels. Ce qui m’intéresse, c’est comment on en arrive là, sans que ce comment devienne une excuse. On a été frappé par son père, alors on va frapper son fils ? Ce n’est pas une raison valable, bien sûr. Mais le danger si on juge, c’est d’en arriver à un regard tout noir ou tout blanc. Pour moi, ce n’est pas intéressant. C’est le cinéma américain, le gentil shérif contre le méchant Indien. Comprendre, ça ne veut pas dire accepter. J’aime bien me pencher sur les parcours de vie : comment tu as vécu avant d’en arriver là, comme tu vas vivre après avec ce poids-là.
Cette question du point d’équilibre entre compréhension et condamnation était-elle présente à votre esprit au moment de filmer l’extrême droite dans « Dode Hoek » ?
Pour donner une aura à Jan Verbeeck, le leader d’extrême droite dans Dode Hoek, il faut que les spectateurs fassent un rejet sur lui, mais qu’ils soient une seconde d’accord avec son discours. Sur un point, tu vas être d’accord avec lui, et c’est par là qu’il va te prendre. La tactique des populistes, c’est celle de la bande-annonce. La bande-annonce est conçue pour t’attirer : tu vois deux explosions en une minute, tu penses que ça va être dingue, mais en fait, il y a deux explosions sur tout le film. Ils t’ont mis les meilleurs moments, mais derrière, ils n’ont pas de film, pas de scénario, pas de réflexion. C’est une émotion forte et rapide, et c’est ça, l’atout du populisme ! Parce qu’on est dans un monde où tu dois très vite dire oui ou non. Tu ne peux pas dire : laisse-moi un peu réfléchir. Si tu réfléchis, c’est que tu doutes. Si tu doutes, c’est que t’es pas clair.
Les réseaux sociaux fonctionnent à plein avec cette logique de l’adhésion ou du rejet instantanés.
Sur Instagram, sur TikTok, des mecs sont suivis par 800 000 personnes. Moi, ça me ferait peur. Personne ne me suit, moi. J’ai joué le jeu à l’époque des Barons, mais c’était trop, c’est un autre monde.
Une star comme Blanche Gardin n’est pas non plus sur les réseaux…
Pourtant, je connais Blanche Gardin, elle cartonne. Je pense qu’on peut briller par son absence, vraiment. Et puis, ce n’est pas grave si t’es pas au courant de tout. Je ne veux pas savoir qui m’a liké, qui m’insulte, qui me déteste. Je pense que c’est un truc qui va imploser. Les commentaires anonymes, ça devient fou… On parle des libertés, mais je pense qu’on a aussi besoin de balises. L’anonymat, ça ne va pas. À un moment, il doit y a avoir un stop. Et moi, j’ai déjà fait le stop personnel.
Comment envisagez-vous la suite de votre relation cinématographique à la Belgique ?
L’histoire du pays regorge de sujets qui me parlent. On me dit que ça coûterait trop cher de faire un film sur Léopold II. Mais si je fais un film sur Léopold II, pas besoin d’aller au Congo, il n’y a jamais été. Ce serait un huis-clos. On n’est pas là-bas, on n’a pas conscience de ce qui s’y passe, on ne veut pas voir. Ne jamais aller dans ce qu’on appelle soi-même son jardin secret, c’est particulier. J’aimerais montrer comment les grandes puissances se partagent les colonies, comment l’échec de Léopold Ier a poussé Léopold II à fonder sa propre colonie personnelle sans rien demander au gouvernement, ce que son père avait fait, et il y avait toujours eu un ministre pour s’opposer à ses projets. Les expéditions de Stanley, le tracé d’une ligne de train en plein Congo, ça raconte l’âme humaine, la déraison.
Lors d’interviews précédentes, vous avez déclaré que « Dode Hoek » avait pour décor la verticale ABC (Anvers, Bruxelles, Charleroi). Ce sont surtout le A et le C qui sont présents dans le film. Parce que vous étiez lassé de Bruxelles ?
C’était un choix de surtout filmer la Flandre et la Wallonie, mais ce n’était pas une fatigue de ma part de filmer Bruxelles. Le final est à Bruxelles. C’est la capitale, ça reste le cœur des intrigues, le lieu des dénouements. C’est compliqué, la Belgique. On est en permanence en négociation, même quand on a un gouvernement. C’est comme si la Belgique ne s’était jamais posée. Léopold Ier, le premier roi des Belges, il était d’origine allemande, il avait peut-être envie d’être le roi d’Angleterre, il a failli devenir roi de Grèce, et en fin de compte, il se dit : allez, roi des Belges, pourquoi pas. C’est toute l’histoire de ce pays… Il est tellement compliqué que ça en devient difficile de le faire péter. Quand il y a trois crochets à enlever, c’est très facile de démonter un meuble. Mais la Belgique, c’est comme une armoire avec plein de vis cachées dans tous les sens, on ne peut pas la démonter.
En fin de compte, qu’est-ce qui tient le pays ensemble ?
Je pense que c’est Bruxelles. Et Bruxelles, c’est presque Jérusalem. Tout le monde la veut, tout le monde la respecte, tout le monde essaye de se l’approprier. C’est un chaos aussi, où toutes les communautés sont présentes historiquement. S’ajoute la dimension internationale, avec le siège de l’Union européenne, de l’Otan. Mais il faut que Bruxelles reste Bruxelles. La ville ne peut pas devenir un district fédéral ou un district européen. District, ça fait police. C’est un terme tellement vulgaire. On dirait une mauvaise série de télé. Bruxelles me ramène tous les langages, tous les accents. J’adore Bruxelles un peu par fainéantise, parce que je m’y sens bien. Mais au fond, ce qui me passionne vraiment, c’est la Belgique.