Aucune commune de Bruxelles ne ressemble autant à Bruxelles que Forest. Une reproduction en miniature des vibrations de la capitale, entre la fermeture d’une immense usine, la lutte des territoires menée par les narcotrafiquants, la résurrection d’un vieux club de foot, l’inflation du marché de l’immobilier, le décrochage des finances publiques, le retour des arbres. Cette ancienne frange de la forêt de Soignes devenue cité industrielle au xxe siècle, et maintenant repaire d’artistes, de dealers, d’eurocrates et de néo-urbains, déroule une histoire digne d’un épisode de « The Wire ». Une commune de coteaux et d’eaux qui ruissellent, qu’on a pu comparer à Détroit, Brooklyn, Montmartre et surtout sa voisine Saint-Gilles, et qui se trouve aujourd’hui sur le rebord d’un tremplin. Reste à savoir où le grand saut la mènera.
Forest est en pente. Un rond-point repose sur son point culminant, à une hauteur de falaise normande, d’où fuient huit rues comme les ruisseaux dévalaient les coteaux en des temps anciens et gonflaient la Senne en aval, à dix-huit mètres d’altitude. Maudite pente, maudites eaux qui ont naufragé les habitants, qui les ont nourris aussi, qui leur mènent la vie dure depuis le Moyen Âge. Alors comme partout ailleurs les riches se nichent en haut et les pauvres s’agglutinent dans la vallée, les courbes de niveau se lisent comme des lignes de graduation du pouvoir d’achat. Quand il pleut dru,