Certains comparent la déferlante de cocaïne qui frappe Anvers à celle qu’a connue Miami dans les années 1990. Avec ses règlements de compte, ses coups de feu au coin de la rue. Ses repaires interlopes où l’on siffle de la Jupiler comme on sniffe de la coke, pour faire passer le temps. Ses estaminets où l’on conclut des marchés faciles à dix ou quinze mille euros devant un duo de croquettes aux crevettes. Il fallait alors croiser les regards, rencontrer tous les protagonistes du milieu : des dockers aux bourgmestres, des dealers aux douaniers — sans oublier les consommateurs, l’huile qui graisse les rouages. « Wilfried » a embarqué dans une Clio cabossée pour infiltrer les docks, du crépuscule aux aurores, jusque dans les coins les plus sombres de la gigantesque passoire du port d’Anvers, ce royaume de conteneurs où il ne fait jamais vraiment noir.
C’est un pays d’asphalte. Un pays inféodé aux lois de la verticalité. Une guerre de territoire, une conquête des espaces vides. Un pays où les pales d’éoliennes battent la fumée des industries, où les grues glissent comme des automates entre les pylônes, entre les hangars et les buttes d’on ne sait quoi, peut-être des terrils. Où les raffineries semblent lancer des fusées. C’est un pays de billes de chemin de fer et d’échangeurs autoroutiers. Un territoire dans le territoire grand comme le petit Paris. Cent trente-cinq kilomètres carrés d’installations, imagine une seconde l’ampleur du bébé. Les jours de beau temps,