Pascal Verbeken : « Dans vingt ou trente ans, la Belgique que nous connaissons aujourd’hui sera évaporée »

N°24 / Automne 2023
Journaliste François Brabant
Photographe Carmen De Vos

Ancien journaliste à « Humo » et « De Standaard », auteur de sept livres de non-fiction qui sont autant de traversées de la Belgique, Pascal Verbeken a le reportage dans le sang. Le regard qu’il porte sur son pays est direct, parfois cru, sans falbalas, dans une démarche nourrie d’une inlassable curiosité. Pour « Wilfried », il revient sur son enfance gantoise, les origines modestes de ses parents, l’âge d’or de la presse flamande, et à travers son itinéraire personnel, il évoque plusieurs générations de Flamands qui ont cru dans un progrès infini, et que tenaillent aujourd’hui l’angoisse et la désillusion.

Sans lui, peut-être, Wilfried n’existerait pas. La sortie en 2007 de son livre Arm Wallonië, traduit en français sous le titre La terre promise, a agi sur nous comme un révélateur. Pascal Verbeken y sillonnait les faubourgs de Charleroi, Liège et La Louvière à moto, sur les traces des travailleurs flamands jadis enrôlés dans l’industrie wallonne, et de leurs descendants. Il était donc possible, en Belgique, de pratiquer ce journalisme-là, mêlant le reportage, l’enquête de terrain, le collectage d’archives, le recueil de la mémoire orale, le tout avec un regard humaniste, et la curiosité pour moteur. Il était possible non seulement de le pratiquer, mais aussi, semble-t-il, d’en faire le fil rouge de sa vie professionnelle.

Au moment où, au printemps 2016, le projet Wilfried germait, nous avions automatiquement pensé à Pascal Verbeken. Nous étions allés le voir, à deux, futurs fondateurs du magazine, comme on consulterait la Pythie, pour s’enquérir de ses oracles. Dans un café de la rue Dansaert, à Bruxelles, nous lui avions confié la maxime qui serait notre boussole éditoriale : comprendre, ne pas juger. Pascal avait sorti de son sac un exemplaire de son livre Grand Central Belge. Dans le premier chapitre, il y exposait sa profession de foi journalistique en ces termes : « Le journalisme dans lequel je crois est par définition pluriel, à voix multiples, cacophonique. Il ne présente aucune vérité, mais laisse voir qu’il y a beaucoup de vérités, et même des vérités contradictoires qui existent. Par essence, il repose sur le regard et la compréhension, et non sur le jugement. »

Pascal Verbeken a débuté dans le métier comme pigiste pour le quotidien local De Gentenaar. Il a été journaliste salarié au vénérable De Standaard, avant d’intégrer la rédaction de l’hebdomadaire Humo. Aujourd’hui indépendant, il collabore régulièrement avec De Morgen et De Standaard. Il est aussi l’auteur de sept livres, qui l’ont souvent mené dans le sud du pays. Sur les pas de Vincent Van Gogh, pasteur dans le Borinage (Duistere wegen). À la poursuite du fantôme d’un poète flamand mort dans un sanatorium de la Haute-Meuse (Miavoye). Ou encore au diapason des utopies, au cours des siècles, des entrailles bruxelloises (Brutopia). « Une fois

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