Un siècle et un an après la fin de la Première Guerre mondiale et presque cent cinquante jours après le début d’une crise politique qui sera longue, Wilfried a parcouru la Belgique d’est en ouest. En suivant les pas de Georges Simenon et des décors qui l’ont inspiré, car il fallait bien un guide pour cette grande traversée, de Liège à Coxyde, où se torsadent la mémoire des conflits armés, le regain de l’extrême droite et les tourments de l’âme belge. Au bout du voyage, face aux dunes, quelle impression restera-t-il, sinon celle d’un pays bric-à-brac où toute certitude est mise au défi ? Sous ces latitudes humides, même la boussole simenonienne — comprendre, ne pas juger — semble se dérégler.
I. Liège Les marchandises s’amoncellent à même le sol, recouvrent des bâches en plastique, ou bien s’étalent un peu plus haut, à la faveur de planches posées sur des tréteaux. Il y a là des martres empaillées, des clubs de golf, des rouleaux à pâtisserie, des statuettes dérobées à l’ancien Congo, des portraits d’aïeux en uniforme militaire, des bondieuseries variées, des poupées Barbie, des louches en argent, des lampes de mineur, des collections du Journal de Tintin, des sacs-bananes Eastpak… Comme chaque vendredi, c’est brocante en Outremeuse, aux abords de la sévère église Saint-Pholien, dont les briques noirâtres semblent avoir