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« Il y a des gens que ce que j’incarne dérange »

Petra De Sutter, première parlementaire belge transgenre
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Ce devait être une simple entrevue chez la gynécologue, la rencontre a dérapé en séance de cinéma dystopique, entre classiques de la science-fiction et palmarès cannois. Mais la confusion des genres, Petra De Sutter connaît, à la fois spécialiste européenne de la fertilité, Groen cooptée et première parlementaire belge transgenre. Un long entretien des salles obscures aux salles de travail, à la poursuite du pouvoir politique des utérus.

 

« On vous a déjà dit que vous res­sem­bliez à Charlotte Rampling ? » La longue sil­houette de Petra De Sutter tangue mal­adroi­te­ment devant les flashs du pho­to­graphe. Elle répond par la néga­tive. Son visage constel­lé et ses mèches véni­tiennes s’amusaient déjà au jeu des sept erreurs, mais ce sont réel­le­ment ses yeux, bleus et en amande, qui citent presque par cœur la fil­mo­gra­phie de l’actrice bri­tan­nique : Embrassez qui vous vou­drez, Swimming Pool, Melancholia du fameux Lars von Trier, Les Damnés, mais sur­tout ses incur­sions dans la science-fic­tion ; l’oublié Zardoz, Babylon A.D. de Mathieu Kassovitz ou Never let me go. Dans la der­nière pel­li­cule, un film de Mark Romanek tiré d’un roman anglais, les petits pen­sion­naires de Charlotte sont des clones nés uni­que­ment pour le don d’organes. Dans ce bureau du gigan­tesque cam­pus de l’hôpital uni­ver­si­taire de Gand, pas un roman de SF sur lequel mettre la main pour­tant. Rien d’autre sur les éta­gères de Petra De Sutter que des réfé­rences scien­ti­fiques à la méde­cine repro­duc­tive, sa spé­cia­li­té, et son pro­chain livre à paraître, Zwanger wor­den. Les bou­quins d’anticipation, elle n’en lit plus depuis ses der­nières classes, il y a une tren­taine d’années. « Je suis en plein dedans, la science-fic­tion, c’est peut-être pour ça », se jus­ti­fie-t-elle. Mais elle n’a jamais oublié Brave New World, de Aldous Huxley, le gri­moire qui a ins­pi­ré le long- métrage Gattaca et que Petra De Sutter cite encore régu­liè­re­ment dans ses confé­rences. « Avec les ques­tions sur la fer­ti­li­té et les avan­cées de la méde­cine dans le domaine de la repro­duc­tion sur les­quelles je tra­vaille beau­coup, c’est vrai­ment le monde vers lequel on avance et qui me fas­cine. Qui m’inquiète un peu, aussi. »

Appuyons sur play. Cette fois-ci, pas de Charlotte Rampling au cas­ting, mais un Jude Law en chaise rou­lante et un Ethan Hawke bino­clard pié­gés dans une sombre his­toire d’eugénisme. À Gattaca, la pro­créa­tion est obli­ga­toi­re­ment assis­tée après une sélec­tion sévère des gamètes paren­taux, dans le but de créer des nou­veau-nés par­faits. Voilà le futur de la socié­té que l’écrivain bri­tan­nique Aldous Huxley (1894- 1963) et la pre­mière par­le­men­taire belge trans­genre Petra De Sutter nous pré­disent. « Dans vingt ou qua­rante ans, ajoute cette der­nière. Pour l’instant, on ne peut pas encore pro­gram­mer géné­ti­que­ment l’intelligence, mais c’est une idée très attrayante pour beau­coup de gens, affirme la gyné­co­logue fla­mande de 55  ans. Quand  on  parle  de  fer­ti­li­té, on ne veut pas seule­ment un enfant, on veut un enfant en bonne san­té. Aujourd’hui, on doit réflé­chir s’il faut fran­chir le pas vers un être confi­gu­ré tel qu’on le désire, avec les carac­té­ris­tiques vou­lues, en mani­pu­lant l’ADN d’embryons humains ».

En 2018, les cuves de sérum phy­sio­lo­gique n’ont pas encore rem­pla­cé les ventres ronds qui décorent ses quatre murs. Les inter­ro­ga­tions ciné­ma­to­gra­phiques sont pour­tant bel et bien celles qui animent Petra De Sutter, qui porte les cou­leurs de Groen au Sénat. Celle de  vou­loir à tout prix évi­ter la catas­trophe annon­cée d’un chro­mo­some sup­plé­men­taire, notam­ment. « On voit très bien que c’est la direc­tion que prend la socié­té, avec le test pré­na­tal non inva­sif, désor­mais rem­bour­sé. On est entré dans une logique qui veut que demain, il n’y aura plus de tri­so­miques. Je com­prends, mais ma ques­tion est : quelle est la pro­chaine mala­die qu’on éra­di­que­ra ? » Et Petra De Sutter de refaire rimer, comme en 40, eugé­nisme avec nazisme. Plus que par fan­tasme, elle fait donc sou­vent allu­sion à Gattaca pour ques­tion­ner « notre désir de per­fec­tion, qui relève de l’illusion. Et com­ment entrer en rela­tion avec l’inévitable imper­fec­tion, si on court sans arrêt après la per­fec­tion ? » résume-t-elle en quelques mots, à pro­pos de l’histoire de Jude Law et Ethan Hawke. « Je pense qu’un monde par­fait comme Gattaca serait très ennuyeux. »

Le vaste débat d’un ventre en loca­tion la taraude ensuite, même si la Belgique est encore « épar­gnée », selon ses propres mots. Dans les cli­niques de l’Est et l’Internet tout autour, on trouve de tout : des ovo­cytes, du sperme, un uté­rus. « Ce n’est pas dif­fi­cile, il vous faut juste de l’argent. L’exemple le plus récent, c’est une cli­nique de dons basée en Ukraine, mais dont le siège social légal est à Waterloo. Ils peuvent donc impor­ter des ovo­cytes ukrai­niens, en exploi­tant une légis­la­tion euro­péenne qui s’est accor­dée sur les stan­dards tech­niques, pas éthiques. » En Belgique, le don se doit de res­ter gra­tuit. Mais quelques fron­tières plus loin, la PMA – pro­créa­tion médi­ca­le­ment assis­tée – et sa cou­sine la GPA – ges­ta­tion pour autrui, soit l’insémination d’un embryon chez une mère por­teuse qui remet­tra ensuite l’enfant au couple com­man­di­taire – font l’objet d’un busi­ness juteux. La méde­cin a beau être fer­me­ment oppo­sée au com­merce du corps, elle ne l’est pas à ce qu’elle appelle l’altruisme. C’est que l’hôpital de Gand, dont elle est la cheffe de ser­vice de méde­cine repro­duc­tive, fait par­tie des quatre seuls du royaume à pra­ti­quer la GPA. Le ser­vice de méde­cine repro­duc­tive de Petra De Sutter en accom­pagne en moyenne trois par an. La loi belge ne l’interdit pas, et le faible taux de mères por­teuses est sur­tout dû aux cri­tères très select des cli­niques belges.

 

« Le Vlaams Belang vou­drait que les couples fla­mands fassent davan­tage d’enfants, en assu­rant que les musul­mans sont en train de nous dépas­ser par le nombre. »

 

« On s’occupe de cela depuis plus de vingt ans et tout se passe bien. Ce sont géné­ra­le­ment de belles his­toires, des his­toires d’amour. Une femme qui veut aider sa sœur, après un pro­ces­sus de scree­ning appro­fon­di et avec un accom­pa­gne­ment psy­cho­lo­gique, c’est évi­dem­ment de l’altruisme. Et si on com­mence à le ques­tion­ner, on a un pro­blème, car toute action devient néces­sai­re­ment égoïste. Donc je ne vois pas pour­quoi on serait contre ce type de GPA. Mais il faut être pru­dents : si je vous pro­pose 10000 euros pour por­ter l’enfant de quelqu’un d’autre, en Belgique, vous ne cou­vri­rez que vos frais. Mais si vous venez de Géorgie ou d’Ukraine, cela repré­sente beau­coup d’argent. Ces mères por­teuses retournent chez elles riches. » La séna­trice coop­tée a ame­né la ques­tion devant le Conseil de l’Europe, per­sua­dée que la  réflexion  devait  être  inter­na­tio­nale, comme le fut celle sur l’adoption. Car mal­gré le «  suc­cès  »  des  cas belges, elle ne croit pas à l’autorégulation, sur­tout dès lors que les  méde­cins y trouvent leur compte – en banque. En sep­tembre 2016, elle dépose donc un rap­port sur la GPA devant la com­mis­sion des ques­tions sociales.

Mais les deux recom­man­da­tions d’approfondissement sont reca­lées : avec la moi­tié de la com­mis­sion contre elle – dont la France – le rap­port est ren­voyé en plé­nière. Où il mour­ra, faute de sou­tiens, comme au Sénat belge, où il rate son ren­dez-vous avec l’agenda   poli­tique. « Certains groupes ne vou­laient tout sim­ple­ment pas du débat. Pour eux c’était comme par­ler de la pédo­phi­lie. Les fémi­nistes sont éga­le­ment très divi­sées : cer­taines sont tota­le­ment contre la GPA comme elles le sont au sujet de la pros­ti­tu­tion, quand d’autres l’envisagent comme un choix. Mais c’est le monde de demain, il ne faut pas résis­ter, il faut pou­voir trou­ver un nou­vel équilibre. »

Croyez-le ou non, Petra De Sutter avoue ne jamais avoir enten­du par­ler de Margaret Atwood. Les tra­vaux de l’auteure cana­dienne devraient pour­tant s’élever en mon­ti­cules au che­vet de cette sor­cière de la fécon­di­té. On lui doit notam­ment l’univers de La Servante écar­late, un roman de science-fic­tion qui a connu une seconde jeu­nesse en 2017 à tra­vers une série récom­pen­sée par deux Golden Globes : une his­toire de domes­tiques des­ti­nées à la repro­duc­tion, dans une socié­té infer­tile domi­née par une reli­gion tota­li­ta­riste. Un récit long­temps admi­ré pour l’imagination de son auteure, avant d’être consi­dé­ré, plus récem­ment, comme une dou­lou­reuse vision du futur des femmes.

« Vous savez, la pro­créa­tion, c’est très impor­tant, com­mence à décryp­ter Petra De Sutter, pour expli­quer le suc­cès de La Servante écar­late. Pour des rai­sons poli­tiques dans cer­tains pays, pour des rai­sons idéo­lo­giques dans d’autres, où la reli­gion dicte ce qui relève de l’ordre natu­rel. C’est un domaine exis­ten­tiel : pou­voir avoir des enfants. Sans cela, notre espèce n’est plus. Il y a ce quelque chose dans nos gènes qui nous pousse, en tant que socié­té, à tout faire pour avoir des enfants. » Pour la dépu­tée Groen, ce sont notam­ment les ventres ronds qui dictent l’ordre mon­dial. Les gros­sesses sont un enjeu poli­tique, en Chine, en Éthiopie, en Israël comme en Belgique. « Le Vlaams Belang vou­drait  que les couples fla­mands fassent davan­tage d’enfants, en assu­rant que les musul­mans sont en train de nous dépas­ser par le nombre, par exemple. Contrôler la pro­créa­tion est d’une impor­tance poli­tique énorme, et pas seule­ment pour savoir qui va payer nos pensions. »

Alors, elle le pro­met en écri­vant le nom de l’écrivaine dans son télé­phone, elle s’attaquera bien­tôt à l’histoire de ces femmes en cape rouge, for­cées d’écarter les jambes pour faire per­du­rer une civi­li­sa­tion malade.  Sans  pour  autant vou­loir faire de la science-fic­tion sa carte de divi­na­tion. « C’est ris­qué, la spé­cu­la­tion : c’est impor­tant de ne pas aller trop loin dans une direc­tion. On peut nous accu­ser de faire peur aux gens, alors qu’il faut conti­nuer à évo­luer – mais pas dans un cadre tota­le­ment déré­gu­lé. S’il y a bien une chose que je déteste, c’est le dog­ma­tisme. De mon côté, je pré­fère dire que je ne sais pas.  Je pense qu’il est bon que plu­sieurs opi­nions se ren­contrent et se téles­copent. » Elle le mar­tèle : Petra De Sutter ne veut pas don­ner les réponses, elle entend sim­ple­ment poser les ques­tions, comme dans son livre De maak­bare baby,  où elle dresse la liste des mille et une façons de tom­ber enceinte, lais­sant à cha­cun le choix de déci­der quelle est la bonne. « Un jour, ce sera à la socié­té, par le pro­cé­dé démo­cra­tique peut-être, de trou­ver des réponses à ses pro­blèmes, notam­ment dans le champ médi­cal. C’est la même chose pour l’intelligence arti­fi­cielle, ou d’autres domaines où l’on avance très vite. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent qu’il faut lais­ser ça aux experts. J’ai été experte trop long­temps pour voir ce qu’ils peuvent faire ou déci­der, uni­que­ment dans leur propre inté­rêt. » Le pater­na­lisme, la gyné­co­logue l’a assez côtoyé, notam­ment dans son propre domaine d’expertise. Induction chro­no­mé­trée du tra­vail, épi­sio­to­mies non consen­ties, césa­riennes à la chaîne, « point du mari » : en France, les révé­la­tions de vio­lences obs­té­tri­cales trop ordi­naires se sont frayé une place dans les débats publics. En Belgique, Petra De Sutter confesse que le com­bat tarde à se faire entendre.

« Une fois, j’ai fait l’erreur de dire que les choses avaient chan­gé de ce côté-là. C’est vrai qu’il y a trente ans, si on ne fai­sait pas d’épisiotomie (une inci­sion du péri­née pra­ti­quée pour rendre l’accouchement plus facile), le pro­fes­seur nous jetait par la fenêtre. Puis j’ai eu des réac­tions de femmes qui m’assuraient que les choses avaient peut-être évo­lué dans mon ser­vice, mais que dans d’autres cli­niques, il y avait tou­jours des méde­cins qui déci­daient et des femmes sur le ventre des­quelles on pous­sait pour accé­lé­rer le pro­ces­sus. Ça doit chan­ger, ce n’est plus la façon d’exercer la méde­cine, plus la façon dont on doit consi­dé­rer la gros­sesse et l’accouchement. »

Une ques­tion de pater­na­lisme médi­cal, de manque d’empathie et de pro­to­cole dépas­sé, selon Petra De Sutter, édu­quée à l’heure où la pre­mière règle était d’éviter les com­pli­ca­tions, en dépit du res­sen­ti des femmes. « Je vais vous dire… Enfin, je ne peux pas faire autre­ment que reve­nir à ma propre his­toire, mais…, bre­douille-t-elle un moment, avant de se lan­cer. J’ai moi-même été patiente. Patiente psy­chia­trique pen­dant deux ans, à peu près. Et chaque méde­cin devrait pas­ser une fois de l’autre côté et endu­rer le sys­tème médi­cal. Ça m’a influen­cée. Je crois qu’on devient plus empha­tique en tant que méde­cin après, on écoute un peu plus les gens. Je pense que je suis deve­nue une meilleure méde­cin par la suite. » Le coming out de la séna­trice qui a sui­vi ces « quelques années infer­nales qui l’ont menée à la limite, à quelques secondes près », s’est fait en deux mou­ve­ments. L’un volon­taire, néces­saire, l’autre pous­sée dans le dos, contre son gré. En 2003, elle annonce à ses col­lègues et à sa famille que désor­mais, il fau­dra l’appeler Petra. « C’est comme ça, leur oppose-t-elle. J’avais 40 ans. On dit que la vie com­mence à 40 ans et pour moi ça a été lit­té­ra­le­ment le cas. Je me suis recons­truit une vie, assez ano­nyme, fina­le­ment. Tout cela était per­son­nel. Bien sûr, mes col­lègues à l’hôpital se rap­pellent qui j’étais avant 2003, mais les nou­veaux ne me connais­saient pas alors. Je m’étais bien adap­tée, et c’est un sujet auquel je ne pen­sais même plus tant que ça. Jusqu’en 2014. »

Il y a quatre ans, un jour­na­liste balance sa tran­si­den­ti­té en pâture. « Il disait que quand on est sur une liste élec­to­rale, les gens ont le droit de savoir » qu’à sa nais­sance, Petra De Sutter avait été assi­gnée « homme ». Un « faux   corps », se sou­vient-elle. « J’étais furieuse. J’ai fait du “damage control” : j’ai expli­qué de quoi il retour­nait, puisqu’un jour­na­liste avait écrit n’importe quoi, sans même m’avoir consul­tée une seule fois. Puis j’ai reçu beau­coup de réac­tions de gens. Je suis pas­sée à la télé­vi­sion après mon pre­mier livre paru en 2015, (Over)leven, et tout s’est enchaî­né. » La femme poli­tique est pro­pul­sée égé­rie des per­sonnes trans­genres, à tra­vers une his­toire de déli­vrance. « Pas seule­ment pour les affaires d’identité de genres, mais pour les per­sonnes coin­cées dans leur propre pri­son per­son­nelle. Je me rap­pelle d’une très belle lettre d’une femme, mariée depuis qua­rante ans, et qui me disait qu’elle était les­bienne, mais qu’elle ne l’avait jamais dit à per­sonne. Elle avait lu mon his­toire et elle allait cher­cher de l’aide, parce qu’elle pen­sait au sui­cide depuis des années – tous les jours. »

 

« Moi, je veux faire de la poli­tique. Et je n’aime pas trop qu’on réduise quelqu’un à un aspect de son iden­ti­té, sur­tout quand il est réglé depuis quinze ans et qu’on n’y pense plus. »

 

Pour autant, Petra De Sutter ne veut pas mettre son his­toire sur le devant de la scène, au-delà d’un livre-confes­sion : sa tête sur un dra­peau mul­ti­co­lore, très peu pour la gyné­co­logue. Pour cela, il y a le ciné­ma, comme le prouve la camé­ra d’or reçue cette année à Cannes par le réa­li­sa­teur belge Lukas Dhont pour son film Girl, l’histoire d’une jeune dan­seuse trans­genre. « Moi, je veux faire de la poli­tique. Et je n’aime pas trop qu’on réduise quelqu’un à un aspect de son iden­ti­té, sur­tout quand il est réglé depuis quinze ans et qu’on n’y pense plus. » Voilà pour la théo­rie. Dans la pra­tique, si elle s’est fait plus d’amis que d’ennemis dans le monde scien­ti­fique et le micro­cosme poli­tique, on chu­chote tou­jours à son pas­sage. « C’est cer­tain qu’il y a des gens que ce que j’incarne dérange. Alors, soit on se laisse bles­ser, soit on déve­loppe une cui­rasse. Aujourd’hui, moi, j’ai une peau comme ça, mesure-t-elle entre son pouce et son index. J’ai obser­vé tout un pro­ces­sus pour com­prendre ce qui se pas­sait en moi. C’était une époque où il n’y avait pas Internet, où il n’y avait rien. Ça m’a pris qua­rante ans avant d’être per­sua­dée que c’était comme ça, qu’il fal­lait que je conti­nue à vivre avec. Alors j’imagine bien que vous ne le com­pre­niez pas en trois minutes, mais lais­sez-moi vous expliquer… » —