L’État est en pleine déglingue, selon Serge Lipszyc, et quand on est en charge de surveiller les services secrets belges, quand on œuvre à la sécurité d’un pays infesté d’espions et mortifié par les attentats de 2016, quand on subit la cavale d’un militaire d’extrême droite armé jusqu’aux dents, il y a de quoi s’en inquiéter. Le président du Comité R en est persuadé : la Belgique n’est toujours pas préparée à une nouvelle attaque terroriste. Ce n’est pas du James Bond, mais ça y ressemble quand même un peu.
Redoutez-vous à chaque instant d’être sur écoute ?
Ah, mais j’ai déjà été piraté.
Par qui ?
Je ne l’ai jamais su. Le service IT du Comité R m’a signalé qu’il y avait eu une intrusion étrangère dans mon téléphone. Il n’y a désormais plus qu’un seul moyen pour échanger des informations en toute sécurité : dans une pièce fermée dépourvue de micros. À l’ancienne. C’est aussi pour ça qu’aujourd’hui, nous expédions et recevons nos plis par porteur. Je ne vais jamais utiliser mon téléphone pour communiquer des informations confidentielles.
Même pas via une messagerie cryptée ?
Mais tout se décrypte ! Le pouvoir, c’est l’information que vous détenez. L’espionnage existe depuis aussi longtemps que la communication. On plaquait son oreille contre une porte, on posait des mouchards, on lançait une filature, on analysait la correspondance… Pegasus, c’est toujours le même principe adapté aux nouvelles technologies. Penser que l’homme ou la femme politique belge ne va pas être piraté par un logiciel espion capable de devenir l’administrateur de votre téléphone, c’est d’une naïveté première. Pour moi, Pegasus, ce n’est pas une révélation.
Les personnalités politiques citées dans cette affaire divulguaient-elles des infos confidentielles à travers leur téléphone ?
Je pense que certains ne l’utilisaient pas que pour des recettes de cuisine. Il y en a qui sont naïfs.
Naïfs au point de penser qu’une messagerie cryptée suffit ?
Bien entendu.
En Belgique, les pouvoirs publics ont-ils pris la mesure du danger ?
Absolument pas. Je n’ai pas entendu la moindre déclaration à ce propos. On ne nous promet toujours pas d’investissements pour avoir un système numérique sécurisé au bénéfice des administrations publiques… Si vous ne vous donnez pas les moyens, vous vous ferez extorquer des secrets d’État sans difficulté. Des pays comme la Chine ou l’Union soviétique doivent bien utiliser des logiciels du type Pegasus. Tout ça, ce n’est qu’une question de moyens pour construire les systèmes de protection.