Ils n’étaient pas nés lorsque le pacte d’Egmont a échoué. L’un était trop jeune pour se souvenir des Diables rouges à l’Euro 80, l’autre à Mexico 86. Il n’empêche que François De Smet et Georges-Louis Bouchez sont déjà présidents de parti. Pour le second, au moment de cet entretien, il porte même la lourde tâche d’informateur royal. Dans un lobby d’hôtel à l’atmosphère digne de « Mad Men », ils évoquent l’irrationalité en politique, la réorganisation des partis, les réformes de l’État, nos ancêtres cueilleurs de gui et les 200 ans de la Belgique, ce pays qu’ils aiment tant. Avec des frites et de la mayo pour accompagner, bien sûr.
Ils sont arrivés en solo. D’abord François De Smet, un peu en avance, ensuite Georges-Louis Bouchez, un peu en retard ; probablement à cause des responsabilités d’informateur royal qu’il endosse déjà lors de notre rencontre. Le personnel politique habituel, de Charles Michel à Bart De Wever, n’aurait jamais songé à sortir ainsi, sans chauffeur, sans conseiller, sans attaché de presse. Voilà comment se présente la nouvelle génération de présidents de parti : nue.
Rien ne présageait qu’un jour, François De Smet donnerait le change, en interview, à un dirigeant du MR — a fortiori âgé de 33 ans. Au commencement, l’actuel patron de Défi était conseiller politique auprès d’un ministre MR, Hervé Hasquin, et le MR était en cartel avec Défi, nommé FDF à l’époque. C’était au début des années 2000. Entre-temps, le pop philosophe, auteur d’un récent essai consacré aux lois du marché amoureux, a dirigé Myria, l’institution fédérale chargée d’analyser les migrations et de défendre les droits des étrangers. De quoi déplacer légèrement son curseur politique ? À le croire, c’est le MR qui a bougé, pas lui. En 2018, François De Smet rejoint les rangs de Défi sur invitation de son président immémorial, Olivier Maingain. Avant de succéder à ce dernier douze mois plus tard, à 42 ans. Fusée lunaire.
Les deux hommes prennent place dans les fauteuils en cuir doré, reluisant, du bar de l’hôtel Van Der Valk de Nivelles-Sud, en surplomb d’un large rond-point. Il a beau faire venteux, les pales des éoliennes voisines tournent moins vite autour de leur moyeu que les voitures autour du rond-point, pressées de filer vers Mons ou Bruxelles. C’est dans ce paquebot moderne, déraciné, que Joëlle Milquet et Elio Di Rupo avaient l’habitude de s’entretenir discrètement, eu égard à la position stratégique du point de chute, à mi-chemin entre la ville de l’ancienne présidente du CDH et celle de l’ancien président du PS. Les têtes ont changé. Le Bruxellois, c’est désormais François De Smet ; le Montois, c’est Georges-Louis Bouchez. La fièvre du remplacement des chefs de parti a contaminé le PS, Ecolo, le CDH et le CD&V, outre nos deux néophytes du jour. Au moment où la Belgique connaît des vertiges existentiels sans précédent, une nouvelle vague de décideurs entre avec fracas dans l’arène. Est-il trop tard pour extraire le pays du sable dans lequel il s’est enfoncé jusqu’au cou, scrutin après scrutin, réforme de l’État après réforme de l’État ? La Belgique mérite-t-elle seulement d’être sauvée ?
Au bar, nous sommes seuls. « Ça ressemble à Shining », fait remarquer François De Smet. Zinc presque aussi long que la pièce, sièges en velours au comptoir. Des enceintes diffusent une musique de circonstance, à quelques jours de Noël : Let It Snow de Dean Martin, Rockin’ Around The Christmas Tree de Brenda Lee. Affamé, Georges-Louis Bouchez commande une assiette de frites, en insistant sur l’importance de les accompagner de mayonnaise. François De Smet fait tournoyer l’eau dans son verre à whisky, l’air soucieux. Pour peu, on dirait que cet amateur de poker s’apprête à miser gros. À ses côtés gesticule un autre joueur déclaré, mais de Stratego politique, lui. Georges-Louis Bouchez avait confié, dans le premier numéro de Wilfried en juin 2017, alors simple conseiller communal à Mons : « Moi, si je suis président de parti, je n’entre pas dans une majorité si je n’ai pas la certitude d’avoir en main d’importants leviers politiques ». Le voilà au poste, désormais, après un bras de fer fratricide avec son aîné Denis Ducarme. La partie périlleuse dans laquelle le roi Philippe l’a engagé, en binôme avec son homologue du CD&V Joachim Coens, l’incite sans doute à tempérer ses exigences d’alors. Pour tout commentaire au sujet de cette mission aride, il s’en tiendra à ceci : « C’est chaud ».
Le serveur fait irruption avec une assiette de frites et une copieuse dose de mayo. La discussion peut commencer. Les deux présidents dévisagent les deux journalistes, l’air de dire : allez‑y, envoyez la sauce.
— Suivant le dernier baromètre Le Soir-RTL publié le 13 décembre 2019, le Vlaams Belang recueille 27,3 % des intentions de vote en Flandre, la N‑VA 22,1 %. En d’autres termes, un électeur flamand sur deux serait prêt à donner sa voix à un parti séparatiste. Signe que la Belgique, c’est foutu ?
GEORGES-LOUIS BOUCHEZ. Pas du tout. Le vote Belang est beaucoup plus proche de la réaction du vote PTB : c’est un vote contestataire, totalement déconnecté du programme du parti. On observe des transferts électoraux entre la N‑VA et le Belang, pourtant leurs programmes socio-économiques sont diamétralement opposés. Celui du Belang, c’est un peu comme celui du FN en France, ou du Parti communiste des années 1980. Il faut arrêter de dire que la Flandre est à droite et la Wallonie à gauche… Il y a des mouvements contestataires, avec une histoire politique plus à gauche au sud et plus à droite au nord, et ça se manifeste par des partis populistes plutôt de gauche ou plutôt de droite, mais ça relève exactement du même mécanisme. En Flandre, aujourd’hui, le parti le plus à droite, sur le plan socio-économique, c’est l’Open VLD. Il est à moins de 10 %.
— Il s’agirait juste d’une faillite des partis traditionnels, alors ?
GLB. Oui, et depuis le temps qu’on le dit… Mais certains n’en ont toujours pas conscience. Les négociations fédérales actuelles ne font que renforcer les partis populistes. Plus fondamental encore, c’est la perte de confiance des classes moyennes dans l’avenir, le progrès. Parfois à raison, mais le plus souvent à tort : on n’a jamais aussi bien vécu dans l’histoire de l’humanité.
— Comment expliquer cette perception selon vous erronée ?
GLB. Ce que je vais dire n’est pas populaire, car beaucoup de gens continuent de souffrir dans notre société, mais je crois que c’est à cause du syndrome de l’enfant gâté. On supporte de plus en plus difficilement les contrariétés. Tout obstacle est perçu comme une crise, une atteinte. Deuxième aspect : le caractère rationnel disparaît au profit du caractère émotionnel, ce qui entrave le bon fonctionnement de nos démocraties libérales. On a mis la priorité sur le marketing, le sentiment du moment… Lorsque les Diables rouges se qualifient pour la demi-finale de la Coupe du monde, les gens disent que tout est formidable, que c’est un pays génial ; une semaine après, devant leur feuille d’impôts, les mêmes disent que c’est un sale pays de voleurs. C’est ça, l’émotionnel.
FRANÇOIS DE SMET. Je m’exprimerai autrement, mais je rejoins une partie des constats de Georges-Louis. D’abord, le succès du Vlaams Belang, et dans une moindre mesure de la N‑VA, mais aussi de l’extrême gauche, peut avoir l’air d’un hold-up. Je ne pense pas que la plupart des gens qui votent Vlaams Belang et même N‑VA aient un projet profondément séparatiste. Une partie oui, bien sûr. Mais lorsqu’on se rend en Flandre, les jeunes évoquent ces petites vidéos où l’on explique que votre grand-mère ne pourra pas profiter d’une chambre dans un home parce qu’il faut financer le train de vie d’un migrant. Ce genre de raccourci-là… D’autre part, ça fait septante ans qu’on vit dans une démocratie libérale, de façon ininterrompue. Peut être qu’une partie des gens sont tentés par des votes extrémistes et radicaux, car la démocratie actuelle ne leur offre pas assez de possibilités pour s’accomplir, s’émanciper. Le citoyen n’a pas juste envie de ne pas être pauvre, il a aussi envie de se réaliser.
— Mais affirmer que la Wallonie n’est pas vissée à gauche et la Flandre à droite, ça ne reviendrait pas à nier l’évidence ?
FDS. Pardon, mais je suis assez d’accord avec Georges-Louis. La politique, c’est un mélange de raison et d’émotion. J’essaie de me représenter ce que je faisais quand j’étais électeur — ce que je suis toujours, par ailleurs, puisque les élus restent des citoyens, même si on peut voter pour soi-même…
GLB. (La bouche pleine de frites.) Ah, tu fais ça, toi ?
FDS. Toi pas ?
GLB. Je suis généreux. C’est mon côté humaniste…
FDS. Je vote aussi pour les autres de ma liste… Mais donc, on peut vouloir élire quelqu’un dont on ne partage pas tout à fait les points de vue, mais dont la personnalité nous inspire. C’est là que se situe la part d’émotion. Sauf que l’essor des nouvelles technologies a bouleversé nos manières de penser et de faire de la politique. Je ne sais pas dans quelle mesure les partis raisonnables, démocratiques, vont encore pouvoir faire passer un message nuancé, un peu complexe, ou un peu impopulaire, dans cette société où il suffit d’une petite vidéo ou d’un tweet bien senti pour t’expliquer que le monde est simple et que si tout va mal, c’est la faute des autres. En fait, pour moi, il existe deux types de partis : ceux qui suivent l’opinion et ceux qui ont encore l’ambition de la faire.
— C’est une posture que Bart De Wever a souvent défendue. Il prétendait s’inscrire dans une logique de l’offre, pas de la demande.
FDS. Je ne me reconnais pas dans l’offre de Bart De Wever, mais je partage le constat.
GLB. C’est même plus que ça. De Wever dit des choses totalement impopulaires. La moitié de son programme, c’est ce dont les gens ne veulent pas. Pourtant, ils votent pour lui. On peut dire ce qu’on veut à propos de Bart De Wever, mais sur le plan de la réussite politique, c’est le plus gros phénomène belge des dernières années. Parce qu’il a une ligne — dont je ne partage pas tous les points — beaucoup plus claire et affirmée, dépourvue des mots creux qu’on aligne les uns après les autres. Même quand tu n’es pas d’accord avec son idée, il utilise une expression précise qu’il justifie, parfois avec de mauvais ou de faux arguments, mais tu peux entrer dans un dialogue. Ça change des élus qui vous disent : « La situation est compliquée, mais nous trouverons un compromis dans l’intérêt de chacun ». C’est ce que j’aime chez De Wever.
FDS. Et avec qui la N‑VA a‑t-elle un point commun, sur cet aspect d’impopularité ? C’est le mouvement Ecolo, en tout cas celui de jadis. On élabore un programme auquel on essaie de faire adhérer un maximum de gens. Il y a un storytelling, une machine qui se met en place… Du coup, lorsqu’Ecolo finit par avoir du succès, une correspondance entre l’offre et la demande semble apparaître. C’est impossible de faire de l’écologie mieux qu’Ecolo, aujourd’hui. On doit tous développer notre propre offre écologique, mais on ne peut pas directement les concurrencer sur ce thème-là. Je pense que l’avenir est aux partis qui ne suivent pas les peurs, les tripes de l’opinion publique, ou de ce qu’on croit être l’opinion publique. Aux partis qui osent avoir un programme impopulaire ou avant-gardiste et qui cherchent à inspirer l’opinion, non à la suivre.
— Bart De Wever a parfois évoqué une frontière culturelle qui traverserait toute l’Europe. Il la définit ainsi : au nord, ce sont les mangeurs de beurre, au sud, les mangeurs d’huile. Selon le président de la N‑VA, un pays a de la chance lorsque cette frontière passe à l’extérieur de son territoire, et de la malchance lorsqu’elle passe à l’intérieur. Cette ligne de démarcation se calque à ses yeux sur les deux types d’attitude qu’il observe, l’une au nord et l’autre au sud, vis-à-vis de la dette et des dépenses publiques, par exemple.
FDS. Ça, c’est le mépris de De Wever envers le sud. Il se trompe.
GLB. Ce n’est pas du mépris que d’affirmer qu’il existe des différences… Dès que la N‑VA dit un truc, les gens lèvent les bras au ciel ! Les francophones vont devoir arrêter de jouer aux vierges effarouchées chaque fois que la N‑VA s’exprime. En Wallonie, si tu es de gauche, tu peux tout dire, ça passe crème. Je vais donner un exemple : Nollet (Jean-Marc Nollet, président d’Ecolo). Quelques jours avant ma désignation comme informateur royal, Nollet a déclaré sur la RTBF qu’il ne comprendrait pas que le roi nomme De Wever. Ça, ça s’appelle forcer la main du roi et ça ne se fait pas, dans notre pays. Mais comme c’est Nollet, pas de problème. Ça m’est devenu insupportable, parce que c’est vraiment irrationnel.
FDS. Ce que je voulais dire par rapport à la prétendue « chance » ou « malchance » d’être né en Flandre ou en Wallonie…
GLB. Ce n’est pas ce que De Wever dit. Il dit que cette frontière culturelle n’aide pas à gérer un pays. La malchance, c’est de ne pas pouvoir se mettre d’accord sur un objectif d’endettement, par exemple. C’est ça, la frontière entre les pays du beurre et les pays de l’huile. De Wever considère qu’on a une attitude sudiste, à l’italienne et à la grecque, et lui aimerait une politique économique à l’allemande. Il a le droit de dire que c’est une malchance, quoi !
FDS. Sauf que les pays du nord ont déjà été gouvernés à gauche, les pays du sud à droite. Dire que culturellement, il y a un rapport si différent à la dette, me semble être un raccourci.
— Le nord contre le sud, la Flandre contre la Wallonie… Ces antagonismes semblent valider les théories de la philosophe belge post-marxiste Chantal Mouffe. Selon elle, pour réussir en politique, il faut construire une opposition bloc contre bloc, un récit de type « eux contre nous ». Ecolo a récemment défini son propre duel narratif : les barbares contre les écologistes. Le vôtre, François De Smet, consiste à opposer les progressistes aux nationalistes.
FDS. Chantal Mouf e a consacré sa thèse à Carl Schmitt, un penseur allemand par ailleurs pas tout à fait recommandable (car membre du parti nazi dans les années 1930), grand théoricien de la différenciation entre l’ami et l’ennemi en politique. Il disait en effet qu’il faut pouvoir se choisir un ennemi. Quand Georges-Louis construit une opposition tout à fait intéressante avec Elio Di Rupo à Mons, ça les valorise tous les deux. Se désigner un adversaire fera toujours partie de la narration politique, et quelque part c’est indispensable : comment voulez-vous proposer un projet, si vous ne pouvez pas montrer qu’il est différent des autres — tout en respectant les personnes ? Mais je crois qu’on doit se méfier des catégorisations morales. Le mot barbare utilisé par Ecolo, c’est too much, c’est à côté de la plaque. Et ça ne va pas dans le sens de la rationalisation que nous sommes au moins deux, je crois, à vouloir porter.
— Revenons à cette idée de frontière. On aurait de la « malchance » de vivre dans un pays où coexistent deux mentalités politiques différentes ?
GLB. Oui, mais je crois que la différence de mentalité se situe plutôt dans la classe politique, pas dans la population. Demain, en Wallonie, on peut proposer le programme socio-économique de la N‑VA et atteindre 20 ou 30 % des voix. J’en suis totalement certain. Je ne dis pas que je veux prendre tout ce discours, parce qu’il y a des éléments qui ne me conviennent pas. Mais je pense qu’on peut gagner les élections en Wallonie en considérant qu’on doit s’attaquer aux déficits budgétaires beaucoup plus qu’on ne le fait aujourd’hui.
— Le succès de la N‑VA n’est-il pas dû, justement, à la mise en récit de son antagonisme avec les Wallonie ?
GLB. Non, l’opposition avec les Wallons, ça compte pour moins de 10 %… Ça, c’était l’époque traditionnelle de la N‑VA. Ce parti a percé le plafond nationaliste le jour où il a présenté un discours socio-économique et sécuritaire construit, quand il a pris tous les attributs des grands mouvements de la droite conservatrice européenne. Nous, ça nous a choqués parce qu’on n’avait pas l’habitude. Pour la première fois en Flandre, et c’est ça la grande surprise et le grand drame de l’Open VLD, a émergé un vrai parti de droite conservatrice, où s’est logée une majeure partie de l’électorat VLD.
— En Wallonie, on a connu le Parti populaire de l’avocat Mischaël Modrikamen, qui avait repris peu ou prou la posture de la N‑VA sur les questions migratoires, sécuritaires et socio-économiques. En dix ans d’existence, il n’a jamais atteint les 5%.
GLB. Oui, mais la grande différence, c’est la personnalité du leader. Bart De Wever, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, c’est une machine politique. Avec le respect que je dois aux personnes, Modrikamen… enfin voilà. D’ailleurs, grâce à quoi De Wever est-il devenu si populaire ? Le show télé De Slimste Mens. Rappelez-vous, c’était l’époque De Wever big size. Il était sympa aux yeux des gens, il disait des choses très dures mais avec une telle bonhomie que ça ne paraissait pas violent ni agressif.
— Le bourgmestre d’Anvers reconnaissait toutefois ceci : « Nous, les Flamands, nous sommes les plus latins des peuples germaniques. Vous, les Wallons, vous êtes les plus germaniques des peuples latins. Parfois, on a le meilleur des deux mondes, parfois le pire. » Vous, à titre personnel, vous vous sentez plutôt germanique ou plutôt latin ?
GLB. Un jour, j’ai eu cette discussion avec Charles Michel, avec qui mon amitié ne fait pas de mystère. Je suis en train de lui confier quelque chose, il me répond : « Tu ne dois pas me le dire, je le sais ». Et je rétorque : « Mais moi je suis latin, j’ai besoin de te le dire, donc je te le dis ». Lui, c’est quelqu’un d’un peu plus germanique. Il est plus poisson froid.
FDS. Pour ma part, comme Bruxellois, j’espère prendre le meilleur des deux mondes. J’aime ça, dans notre pays, le mélange entre une mentalité parfois plus germanique et rationnelle, et un côté latin, plus spontané. Je crois que les Bruxellois ont un peu les deux, sans vouloir être chauvin.
— Au cours des années 2000, vos deux partis sont peut-être ceux qui se sont le plus farouchement opposés à la scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), en menant une guérilla d’enfer pour l’éviter. Finalement, les Belges francophones l’ont quand même avalée, la scission. Quand on voit le poison que ce sujet a constitué, et à quel point il a servi de combustible aux partis nationalistes flamands… N’y a‑t-il pas un énorme mea culpa à faire dans le chef des partis francophones ? Si on avait scindé BHV dès 2005 ou 2007, la Belgique ne serait peut-être pas dans un tel bourbier à l’heure où l’on se parle.
GLB. Personne n’en soufre, d’ailleurs. L’arrondissement, il est scindé. Et après ? Ça va même mieux en matière de justice !
— C’est pourtant votre propre parti qui disait : « Pas de scission sans élargissement de Bruxelles ! Le jour où on scinde BHV, c’est la fin de la Belgique ! »
GLB. Je suis tout à fait d’accord. Lorsqu’on n’a pas de projet, on fait dans le symbole. À chaque fois que les francophones ont participé aux réformes de l’État, ils n’avaient pas de projet. En général, ils acceptaient au bout d’un temps les revendications flamandes, par usure. Et en échange d’un petit chèque. On disait : « Bah, on va prendre ce petit chèque et on va y aller ». C’est pour ça que, en vue de la prochaine réforme — puisque manifestement il y en aura une, je ne suis pas demandeur mais réaliste —, je souhaite que les présidents de parti se réunissent pour construire un projet francophone fort, indispensable à la stabilité de la Belgique. Comme ça, l’invitation est déjà lancée à François.
FDS. Je suis en accord et en désaccord avec ce que tu dis. Le désaccord, c’est sur le fait que tout serait merveilleux en périphérie bruxelloise, en dépit de la scission de BHV. De nombreux francophones commencent à se sentir abandonnés. Ce n’est pas l’apartheid, mais quand même, il n’est pas insensé de continuer à défendre les francophones en périphérie. L’accord que j’ai avec toi, mais qui est fondamental — je pense que ce qui nous unit est plus intéressant que ce qui nous sépare…
GLB. On était dans la même famille il n’y a pas si longtemps…
FDS. On doit arrêter de s’amener à une table de négociation en n’étant demandeurs de rien. Il nous faut un agenda francophone commun. On ne pourra pas convaincre nos amis flamands, en tout cas les plus rationnels et démocrates que nous aurons en face de nous, si nous ne donnons pas l’impression d’être unis. Par le passé, on a accepté des réformes de l’État irrationnelles et parfois destructrices à cause de notre propre division.
— Faut-il que ce projet d’union prospère au départ d’une identité ciblée — par exemple wallonne, francophone, belge ?
FDS. Pour moi, la plupart des Belges francophones veulent continuer à vivre en Belgique. Ils ne veulent appartenir ni à une République flamande, ni à une Bruxelles indépendante, ni à un État Wallonie-Bruxelles, ni à la France. On doit se mobiliser pour soigner cet homme malade de la politique belge qu’est l’État fédéral, pour le fortifier avec nos amis flamands. Ce qui ne doit pas nous empêcher de préparer un plan B au cas où, un jour, une majorité démocratique en Flandre souhaiterait partir.
— Est-ce possible d’avoir deux fers au feu, de vouloir rendre la Belgique plus aimable et en même temps de préparer le plan B ?
GLB. La seule solution pour que la Belgique soit forte et prospère, c’est que les francophones prennent leur destin en main. Je dis bien : les francophones. Moi, je ne suis pas un régionaliste, je tiens beaucoup plus à l’identité francophone qu’à l’identité régionale. On ne parle pas d’une nation francophone qui serait indépendante, mais d’une structure francophone suffisamment solide pour se rendre à une table de discussion sans complexe d’infériorité, sans tendre la main parce qu’elle aurait besoin d’argent.
« La plupart des Belges francophones veulent continuer à vivre en Belgique. Ils ne veulent appartenir ni à une République flamande, ni à une Bruxelles indépendante, ni à un État Wallonie-Bruxelles, ni à la France. » - François De Smet
— Ça signifie encore quelque chose, la Belgique, pour vous ?
FDS. Toutes les nations sont artificielles. La France porte finalement le nom d’un envahisseur, les Francs, et sa religion est une importation moyen-orientale. Nos ancêtres les Gaulois, ils ne passaient pas leur première communion, ils cueillaient du gui et faisaient des sacrifices humains. La Belgique a ceci de particulier que c’est une nation aussi artificielle que n’importe quelle autre, mais elle est l’une des seules à en avoir conscience. Et à nourrir à partir de cette conscience une identité unique — on le voit dans ses arts, son humour, et peut-être même sa manière de faire de la politique. En philosophie, on dit que la contingence, c’est le contraire de la nécessité. La Belgique sait qu’elle est contingente et je trouve que c’est précieux. Pour cette raison-là, oui, je confesse un vrai attachement à notre pays.
GLB. Moi aussi, je suis extrêmement attaché à mon pays. Je suis unitariste. Je vais même vous dire : je pense qu’il faudrait tout remettre au niveau fédéral. Moi, je suis pour un État unitaire. Je ne parle pas d’efficacité quand je vous dis ça, mais d’attachement sentimental. Je tiens très fort à la Brabançonne, au drapeau… Je suis profondément Belge, quoi, parce qu’on a une identité totalement différente des autres.
— Vous n’avez pas le sentiment d’être dans un pays différent lorsque vous vous rendez à Bruges ou à Anvers ?
GLB. Non. Les différences, dans mon pays, en font le charme. Les Belges ne se rendent pas compte à quel point notre nation est attractive pour les étrangers. Nous sommes un grand pays, contrairement à ce qu’on croit, parce que nous bénéficions d’une place notable sur la scène internationale grâce à Bruxelles, et que notre diplomatie est reconnue à travers le monde… Le fait qu’on n’ait même pas conscience qu’on pèse beaucoup plus, proportionnellement à notre taille, ça nous donne un charme complémentaire et une identité spécifique, unique. Il n’y a pas beaucoup de pays dans le monde où je voudrais vivre à part la Belgique.
FDS. Notre humour aussi, c’est singulier. Les Flamands et les francophones ont une manière de voir les choses, un second, un troisième voire un vingt-cinquième degré qui leur est propre. Qui fait qu’on ne ressemble ni à des Néerlandais, ni à des Français.
— Georges-Louis Bouchez parlait d’une réforme de l’État à venir, inévitable. Vous, François De Smet, vous avez récemment détaillé dans la presse votre volonté de lancer une commission parlementaire spéciale pour plancher sur une grande réforme guidée par le seul souci de l’efficacité, avec l’appui de la société civile. L’objectif : déposer le projet au parlement juste avant les élections de 2024. C’est à l’abandon ?
FDS. Non, c’est une piste qui a réussi à contaminer positivement les
esprits. Certaines réformes de l’État sont totalement irrationnelles. Elles se sont faites à trois heures du matin, non pas dans l’intérêt du citoyen, mais pour rendre possible la formation d’un gouvernement… Quelqu’un peut-il m’expliquer le côté rationnel d’avoir divisé les allocations familiales et le code de la route en trois ? Est-ce que la régionalisation de la prévention de la santé, avec six ministres différents, ça marche ? Je crois que les esprits sont mûrs pour une grande remise à plat. On peut prendre le temps de le faire, entre politiques mais aussi avec les professionnels des domaines concernés, tant qu’on ne fait pas dépendre de cela la constitution du gouvernement. L’idée, c’est de se reconnecter à nos institutions et de vider le contentieux belge.
— La seule fois où l’on a tenté de repenser dans sa globalité le modèle belge, ce fut dans le cadre du pacte d’Egmont, en 1977. Ça s’est soldé par un échec.
FDS. Mais ça s’est joué à peu de chose. Tu avais le FDF et la Volksunie ensemble. Et ce n’est pas à cause de l’un ni de l’autre que ça a capoté, d’ailleurs. C’est à cause du CVP, l’ancêtre du CD&V.
— Votre idée, ce serait un pacte d’Egmont 2.0 ?
FDS. On pourrait l’appeler comme ça, ça me va. Ce serait surtout un pacte consistant à dire : on fait la dernière réforme d’une génération. Et on ne touche plus à nos institutions pour vingt, vingt-cinq ans. L’idée étant de forcer nos amis flamands à se positionner soit en faveur d’une Belgique plus efficace, soit en faveur de la destruction de ce pays.
« Ma conviction profonde, c’est qu’on doit reconstruire une force de centre, démocratique, sur la base d’un ou plusieurs partis, ou d’une ou plusieurs personnes de bonne volonté » – Georges-Louis Bouchez
— À force de se concentrer sur des objectifs froids comme l’efficacité, cette réforme ne risque-t-elle pas de manquer d’un récit enthousiasmant, d’un élan romantique pour contrecarrer le fantasme d’une Flandre forte et indépendante proposé par les séparatistes ? Cinq minutes plus tôt, un coup de téléphone a arraché Georges-Louis Bouchez de son fauteuil. On l’a vu faire les cent pas dans le bar, en conversation manifeste avec un interlocuteur de premier ordre. Lorsqu’il se rassied, il tient à montrer qu’il n’a pas perdu pour autant le fil des propos tenus par François De Smet en son absence : « Je ne suis pas d’accord avec ce qui vient d’être dit… »
FDS. Vous avez raison. Le romantisme de la Belgique de papa, ça
ne marche plus, mais nous avons devant nous un anniversaire qui pourrait servir de date fondatrice. En 2030, nous allons fêter les deux cents ans de notre pays. Ça concerne notre génération politique, mon cher Georges-Louis. Imaginons que, dans dix ans, notre pays fonctionne mieux, avec un RER, un stade national… On pourrait se dire : montons une Exposition universelle. Je crois que notre génération doit être celle des grands projets, qui manquent, vraiment. Si on veut reprendre le contrôle du narratif politique, il faut d’abord proposer des projets qui nous unissent, et pas laisser le monopole du discours à ceux qui nous divisent les uns contre les autres, les étrangers contre les autochtones, les Flamands contre les Wallons, les rouges contre les bleus…
GLB. Les rouges contre les bleus, ça on peut garder.
FDS. Mais donc, investissons dans les projets qui nous rassemblent. Et si ça, ça ne marche pas, alors je ne vois pas ce qui pourrait marcher.
GLB. Je ne suis pas du tout d’accord sur cette idée d’efficacité. Aucune réforme de l’État n’est efficace. Elles se basent toutes sur deux catégories de revendications : la première, identitaire ; la seconde, financière. Pourquoi a‑t-on régionalisé la sécurité routière ? Uniquement pour avoir l’argent des amendes dans la caisse. Les Flamands ont dit : nous, on verbalise plus, et le pognon part pour financer des infrastructures en Wallonie. Les allocations familiales, même chose. Je ne connais pas une seule compétence régionalisée qui soit mieux organisée aujourd’hui qu’elle ne l’était au niveau national.
FDS. Je peux t’en citer une.
GLB. Ouais, laquelle ?
FDS. L’aménagement du territoire et la protection urbanistique. Moi, je suis Bruxellois, et on a dévasté Bruxelles jusqu’aux années 1980…
GLB. Ce sont les mentalités qui ont évolué, ça n’a rien à voir. Dans les années 1970, on a massacré et saccagé partout, ce n’était pas propre à Bruxelles. C’était la société du tout béton. Il suffit de regarder ce qu’on a fait du littoral belge. On a redécouvert récemment la culture du patrimoine. Ce n’est pas parce que la compétence était nationale…
FDS. Mais si. Tu crois vraiment que si les Bruxellois avaient pu décider eux-mêmes, ils auraient creusé les tunnels de la Petite Ceinture et auraient abattu les immeubles de Victor Horta ? L’émergence de la Région bruxelloise en 1989, voilà une réforme de l’État qui était nécessaire…
GLB. C’est clair que Bruxelles va beaucoup mieux ! Il n’y a jamais eu autant de chômage, aussi peu de gens bien formés… La pauvreté n’arrête pas de grimper…
FDS. Georges-Louis, on n’est pas à la télé, ce n’est pas la peine de m’interrompre tout le temps…
GLB. C’est la réalité. Bruxelles, ça devient… allez…
FDS. Non, c’est faux. Il y a des choses qui vont bien, notamment en matière de protection du patrimoine. Je ne dis pas que tout est rose, je dis qu’en certains endroits la réforme de l’État a été utile.
GLB. Pas en ce qui concerne les grandes compétences. L’enseignement ne va pas mieux. L’emploi non plus. A‑t-on créé un seul emploi en Wallonie depuis qu’on a régionalisé cette politique ? Le chômage a continué d’augmenter… Si vous mettez en relation les dates des réformes de l’État et le niveau d’endettement de la Belgique, que verrez-vous ? La courbe est parfaitement parallèle. Quand vous divisez une administration en trois, il n’y a aucune raison que ça vous revienne moins cher.
FDS. On est plutôt d’accord, le temps est donc venu de faire une évaluation…
GLB. Je peux déjà t’en donner la conclusion. La conclusion, c’est qu’on doit tout remettre au niveau national. Nous vivons dans un monde où les défis sont au minimum européens, et nous on est en train de se demander si on ne pourrait pas diviser le timbre-poste qui nous sert de pays… Faut arrêter le délire. Mais lorsque vous agitez des revendications soit identitaires, soit purement économiques, cette analyse est devenue inaudible. C’est d’ailleurs tout le paradoxe de la N‑VA. Elle a construit son image politique sur la bonne gestion de l’État et la réduction des dépenses publiques. Quand ses dirigeants parlent de régionalisation, ils sont donc totalement à l’opposé de leurs principes.
FDS. Et ils sont irrationnels.
GLB. En tout cas, ils font n’importe quoi. Si ça ne tenait qu’à moi —
mais je ne suis pas tout seul — on remet tout à un niveau central, et c’est terminé. Et si véritablement on considère que ce pays n’est plus gérable, alors on peut le diviser.
— À vous écouter depuis le début de cet entretien, les différences entre vos deux partis semblent mineures.
GLB. C’est là que tu comprends pourquoi Défi devrait rejoindre le MR…
— Ah bon ?
GLB. Ma conviction profonde, c’est qu’on doit reconstruire une force de centre, démocratique, sur la base d’un ou plusieurs partis, ou d’une ou plusieurs personnes de bonne volonté.
— Sans passer par une agrégation des appareils politiques, donc ?
GLB. Non, je ne veux pas entrer dans cette logique-là, car on ne produira pas de nouvelle politique en utilisant les pratiques de l’ancien monde. Nous avons une vocation à nous ouvrir, à permettre à toute personne sensible à nos valeurs libérales de rejoindre un ensemble commun, avec cette philosophie de mouvement… Quand je parle de valeurs libérales, ce sont surtout des valeurs de liberté, en fait. Le mot liberté est peut-être moins connoté.
— Un projet de recomposition comparable a déjà eu lieu, en secret, sous la houlette de Jean-Michel Javaux et Benoît Lutgen. Après plusieurs péripéties, il a donné naissance au groupe de réflexion E‑Change.
GLB. Cette recomposition est indispensable face à la montée des populistes. Voici trente ans, les partis traditionnels représentaient 80 % de l’électorat. Ils en représentent à peine 50 % aujourd’hui. Faudra m’expliquer par quel phénomène magique on va récupérer ces 30 %. Je crois que la seule manière, c’est de créer une nouvelle offre politique démocrate. Mon plus grand adversaire, aujourd’hui, ce n’est pas le PS, ni Ecolo, c’est l’abstentionnisme, c’est le Belang, c’est plus globalement le populisme, la défiance démocratique.
— Vous envisagez donc un mouvement qui regrouperait le MR, le CDH, Défi, voire Ecolo ?
GLB. En tout cas, toutes les personnes qui se reconnaissent dans nos valeurs libérales.
FDS. L’idée de réunir le centre et la droite, c’était déjà celle de Gérard Deprez en 1997. Avec tout le respect réel que j’ai pour lui, je pense que si ce projet avait dû se réaliser, on serait au courant. Nous, les cartels, on a déjà donné. Notre i de indépendant, a priori on y tient. Ça n’empêche pas d’être dans de meilleures discussions avec tout le monde. Je le dis devant Georges-Louis : nos relations avec le MR sont trop froides, par rapport à celles que nous avons avec d’autres partis. Je voudrais au minimum une sorte d’équidistance, des relations diplomatiques semblables à celles que nous entretenons déjà avec Ecolo, le PS et le CDH.
GLB. Les différences entre Défi et le MR sont parfois aussi importantes que celles qui peuvent apparaître entre deux membres du MR. D’ailleurs, la scission du cartel avec le FDF, c’était surtout une question d’animosité entre personnes.
— Entre Charles Michel et Olivier Maingain ?
GLB. Bien évidemment.
FDS. Si ça n’avait été que ça, ça n’aurait pas duré…
GLB. La scission a duré pour une raison très simple : il était impossible de faire marche arrière. D’autant que Charles Michel et Olivier Maingain sont tous deux restés présidents de parti jusqu’au mois dernier (novembre 2019). Par contre, je n’ai jamais vu de divergence programmatique qui puisse justifier le divorce.
FDS. Si la scission n’avait pas eu lieu en 2011 autour de la sixième réforme de l’État, elle aurait sans doute eu lieu en 2014. Je n’arrive pas à imaginer deux secondes le MR en cartel avec le FDF nouer l’alliance avec la N‑VA. Les visas humanitaires, les Soudanais, l’article 3… La césure est bien réelle. Le retour en arrière n’est pas possible.
GLB. Pour moi, il est possible. Maintenant.
FDS. Pour moi il ne l’est pas, même à plus longue échéance. Il existe deux libéralismes, dans ce pays. On voit ça avec le VLD, aujourd’hui coupé en deux dans les négociations gouvernementales : tu as une aile qui tire vers l’arc-en-ciel et une autre vers la N‑VA. C’est une des clés du blocage actuel. Ça ne veut pas dire que ces deux libéralismes ne peuvent travailler ensemble, mais ils ont pour l’instant une sensibilité qui justifie la présence de deux offres politiques différentes.
GLB. Je n’ai pas la même analyse. La différence est surjouée pour des raisons partisanes. Mais un jour, les démocrates vont devoir réagir. Soit on assiste passivement à l’émergence des populistes, soit on se fait un peu mal de temps en temps et on prend sur nous pour s’y opposer.
FDS. Les recompositions, ce sont les événements qui les imposent. Je n’ai jamais vu de recomposition planifiée. Le mouvement de Macron n’existait pas un an avant son émergence. La N‑VA, il n’y a pas si longtemps, comptait à peine un député à la Chambre. À un moment, bizarrement, des événements font la différence, des recompositions surgissent, et il faut admettre qu’on ne les voit pas toujours venir.
GLB. Je prends ça comme une invitation. —