À vous écouter depuis le début de cet entretien, les différences entre vos deux partis semblent mineures.
GLB. C’est là que tu comprends pourquoi Défi devrait rejoindre le MR…
Ah bon ?
GLB. Ma conviction profonde, c’est qu’on doit reconstruire une force de centre, démocratique, sur la base d’un ou plusieurs partis, ou d’une ou plusieurs personnes de bonne volonté.
Sans passer par une agrégation des appareils politiques, donc ?
GLB. Non, je ne veux pas entrer dans cette logique-là, car on ne produira pas de nouvelle politique en utilisant les pratiques de l’ancien monde. Nous avons une vocation à nous ouvrir, à permettre à toute personne sensible à nos valeurs libérales de rejoindre un ensemble commun, avec cette philosophie de mouvement… Quand je parle de valeurs libérales, ce sont surtout des valeurs de liberté, en fait. Le mot liberté est peut-être moins connoté.
Un projet de recomposition comparable a déjà eu lieu, en secret, sous la houlette de Jean-Michel Javaux et Benoît Lutgen. Après plusieurs péripéties, il a donné naissance au groupe de réflexion E-Change.
GLB. Cette recomposition est indispensable face à la montée des populistes. Voici trente ans, les partis traditionnels représentaient 80 % de l’électorat. Ils en représentent à peine 50 % aujourd’hui. Faudra m’expliquer par quel phénomène magique on va récupérer ces 30 %. Je crois que la seule manière, c’est de créer une nouvelle offre politique démocrate. Mon plus grand adversaire, aujourd’hui, ce n’est pas le PS, ni Ecolo, c’est l’abstentionnisme, c’est le Belang, c’est plus globalement le populisme, la défiance démocratique.
Vous envisagez donc un mouvement qui regrouperait le MR, le CDH, Défi, voire Ecolo ?
GLB. En tout cas, toutes les personnes qui se reconnaissent dans nos valeurs libérales.
FDS. L’idée de réunir le centre et la droite, c’était déjà celle de Gérard Deprez en 1997. Avec tout le respect réel que j’ai pour lui, je pense que si ce projet avait dû se réaliser, on serait au courant. Nous, les cartels, on a déjà donné. Notre i de indépendant, a priori on y tient. Ça n’empêche pas d’être dans de meilleures discussions avec tout le monde. Je le dis devant Georges-Louis : nos relations avec le MR sont trop froides, par rapport à celles que nous avons avec d’autres partis. Je voudrais au minimum une sorte d’équidistance, des relations diplomatiques semblables à celles que nous entretenons déjà avec Ecolo, le PS et le CDH.
GLB. Les différences entre Défi et le MR sont parfois aussi importantes que celles qui peuvent apparaître entre deux membres du MR. D’ailleurs, la scission du cartel avec le FDF, c’était surtout une question d’animosité entre personnes.
Entre Charles Michel et Olivier Maingain ?
GLB. Bien évidemment.
FDS. Si ça n’avait été que ça, ça n’aurait pas duré…
GLB. La scission a duré pour une raison très simple : il était impossible de faire marche arrière. D’autant que Charles Michel et Olivier Maingain sont tous deux restés présidents de parti jusqu’au mois dernier (novembre 2019). Par contre, je n’ai jamais vu de divergence programmatique qui puisse justifier le divorce.
FDS. Si la scission n’avait pas eu lieu en 2011 autour de la sixième réforme de l’État, elle aurait sans doute eu lieu en 2014. Je n’arrive pas à imaginer deux secondes le MR en cartel avec le FDF nouer l’alliance avec la N-VA. Les visas humanitaires, les Soudanais, l’article 3… La césure est bien réelle. Le retour en arrière n’est pas possible.
GLB. Pour moi, il est possible. Maintenant.
FDS. Pour moi il ne l’est pas, même à plus longue échéance. Il existe deux libéralismes, dans ce pays. On voit ça avec le VLD, aujourd’hui coupé en deux dans les négociations gouvernementales : tu as une aile qui tire vers l’arc-en-ciel et une autre vers la N-VA. C’est une des clés du blocage actuel. Ça ne veut pas dire que ces deux libéralismes ne peuvent travailler ensemble, mais ils ont pour l’instant une sensibilité qui justifie la présence de deux offres politiques différentes.
GLB. Je n’ai pas la même analyse. La différence est surjouée pour des raisons partisanes. Mais un jour, les démocrates vont devoir réagir. Soit on assiste passivement à l’émergence des populistes, soit on se fait un peu mal de temps en temps et on prend sur nous pour s’y opposer.
FDS. Les recompositions, ce sont les événements qui les imposent. Je n’ai jamais vu de recomposition planifiée. Le mouvement de Macron n’existait pas un an avant son émergence. La N-VA, il n’y a pas si longtemps, comptait à peine un député à la Chambre. À un moment, bizarrement, des événements font la différence, des recompositions surgissent, et il faut admettre qu’on ne les voit pas toujours venir.
GLB. Je prends ça comme une invitation. —